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raison et de sa conscience, il inspirait à première vue l’estime et l’affection. Ces qualités étaient de nature à faire une profonde impression sur l’esprit des jeunes gens, qui, quoi qu’on en dise, sont plutôt portés vers le bien que vers le mal, et cette impression ne s’est jamais effacée chez ceux qui ont été à même de l’éprouver.

Tant que M. Lorentz resta à la tête de l’école forestière, son enseignement ne trouva que de rares et timides contradicteurs ; mais, lorsqu’appelé à Paris comme administrateur il voulut mettre ces principes en action, il trouva dans l’esprit fiscal qui animait l’administration des résistances contre lesquelles il ne cessa de lutter, et dont il finit par être la victime. Ne pouvant le forcer à se rendre complice des mesures qu’il jugeait fatales pour le pays, le directeur-général d’alors le fit mettre d’office à la retraite.

L’enseignement que M. Lorentz avait introduit à l’école forestière ne fut pas pour cela abandonné ; les doctrines qu’il avait professées trouvèrent dans son successeur, M. Parade, son gendre et son élève, un éloquent interprète. Alsacien comme lui, doué comme lui d’un caractère droit, quoique moins expansif, ayant comme lui des convictions inébranlables, l’horreur de la bassesse et de l’intrigue, doué d’un grand esprit de justice et d’une bienveillance sans bornes, M. Parade sut acquérir sur les élèves une autorité qu’aucun d’eux n’a jamais méconnue et leur inspirer une affection et un dévoûment qu’ils lui ont gardés jusqu’au tombeau. Ne revenant jamais sur sa parole, toujours maître de lui, n’hésitant jamais à faire ce qu’il croyait son devoir, dédaignant les petites habiletés, il fut pour tous ceux qui l’ont approché le type de l’honnête homme dans toute l’acception du mot, du vir probus dont parle le poète. De tous les hommes qu’il nous a été donné de rencontrer jusqu’ici, c’est celui qui à nos yeux s’est le plus rapproché de la perfection, celui dont l’amitié qu’il nous a témoignée nous a été la plus précieuse et dont nous nous sentons le plus honoré. Aidé des notes et des conseils de M. Lorentz, M. Parade publia son Cours élémentaire de culture des bois, dont la première édition remonte à 1836, et qui est un véritable chef-d’œuvre de clarté, de méthode et de concision. Mais c’est moins par cet ouvrage, véritable code de la science forestière, que par la noblesse de son caractère qu’il a exercé sur toutes les générations d’agens sortis de ses mains l’influence considérable qui se fait encore sentir aujourd’hui. C’est en communiquant à tous ceux qui l’approchaient la chaleur de ses convictions qu’il a rendu les plus signalés services.

Voilà les deux hommes qui ont fait de l’administration forestière ce qu’elle est, et ce qu’il faut qu’elle reste pour ne pas déchoir. Les premiers, ils ont déclaré la guerre à l’esprit fiscal qui présidait à