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pas cependant répondu à toutes les espérances, c’est parce que trop souvent l’administration forestière s’est trouvée impuissante à triompher des intérêts ligués contre elle ; c’est parce qu’au lieu de concentrer ses efforts sur certains points, elle les a disséminés ; c’est surtout parce qu’elle a dépensé une grande partie des fonds mis à sa disposition en primes données aux particuliers pour des travaux dont bien peu avaient une utilité réelle. Il importe aujourd’hui de revenir à d’autres erremens et de commencer par retirer le projet de loi actuellement soumis aux délibérations du sénat après avoir été déjà voté par la chambre des députés. Ce projet, s’il était adopté, aggraverait le mal, puisqu’il a surtout pour objet de substituer le système des primes à celui de l’exécution directe des travaux par les soins de l’administration[1].

La cause de ces difficultés, c’est l’impossibilité de concilier les intérêts pastoraux avec les intérêts forestiers. Lorsqu’on veut reboiser certaines montagnes, il faut bien en écarter les bestiaux, qui sans cela ravageraient toutes les plantations ; il en résulte pour les populations, pour lesquelles le pâturage est l’unique moyen d’existence, une privation de jouissance qu’elles ressentent, vivement et contre laquelle elles ne cessent de protester. Il faut cependant en prendre son parti, et, si l’on reconnaît que le reboisement de ces régions est une question de salut public, on ne doit pas reculer devant les moyens d’y arriver. Puisque la dégradation des montagnes est due à l’abus du pâturage, c’est à la réglementation de celui-ci qu’on doit recourir pour empêcher le mal de s’aggraver ; il faut par conséquent limiter le nombre des animaux à envoyer à la pâture, et autant que possible favoriser la substitution de la race bovine à la race ovine. Ce sont là des questions qui sont surtout de la compétence du ministre de l’agriculture et dont il aura à s’occuper tout d’abord, en y mettant un grand1 esprit d’équité, mais en même temps une fermeté et une votante qui ont jusqu’ici fait absolument défaut. Ce ministre peut compter pour cela sur le personnel de l’administration forestière, dont le dévoûment lui sera assuré, pourvu qu’il soit convenablement dirigé.

Pour ce qui est du service extraordinaire, il y a peu de chose à y changer ; les travaux d’aménagement de reboisement, de cantonnement de droits d’usage, sont des travaux de longue haleine que ne peuvent entreprendre les agens du service actif, déjà chargés de tous les détails de La gestion ; ces travaux ne peuvent être exécutés que par des commissions spéciales relevant de l’administration centrale. Ces commissions subsistent déjà ; tout au plus y aurait-il

  1. Voyez la Restauration des montagnes, par M. L. Tassy, 1877.