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familles d’artistes dont Lyon fut le berceau, c’est que les uns ont vécu au XVIIe siècle et que les autres l’ont de bonne heure quitté pour la capitale. Néanmoins l’académie du XVIIIe siècle peut encore se vanter d’avoir eu parmi ses membres des artistes en tout genre, architectes, peintres, sculpteurs, de grande renommée. La patrie de Philibert Delorme et l’académie ont aussi le droit de revendiquer Soufflet. Soufflot a passé plus de vingt années à Lyon, il était associé de l’académie et il a lu devant elle plusieurs mémoires où il exposait les plans et les dessins de grands monumens qu’il faisait construire, l’église de Sainte-Geneviève à Paris, l’Hôtel-Dieu à Lyon.

A côté d’un grand architecte, mettons un peintre d’un rare mérite, Jean-Jacques de Boissieu, célèbre par ses petits tableaux dans le genre flamand, par ses dessins au lavis et surtout par ses gravures à l’eau-forte. On admire de plus en plus ce talent si naïf et si vrai, cette touche si fine, si spirituelle, et les effets si bien sentis de son burin vigoureux. Par sa connaissance approfondie des procédés des peintres flamands et hollandais, Boissieu exerça une grande influence sur plusieurs peintres ses contemporains ou ses successeurs. Il fut le père de cette école lyonnaise qui subsiste encore aujourd’hui et à laquelle ont appartenu bien des peintres dont les tableaux goûtés du public ornent, avec ceux de Boissieu, l’intéressant musée des peintres lyonnais, qui est comme une exposition permanente des œuvres passées et présentes des membres de la section des beaux-arts. Ainsi l’académie de Lyon a justifié sa triple dénomination, plus peut-être qu’aucune autre compagnie de la province ; ainsi a-t-elle montré qu’elle n’était pas moins digne de son titre d’académie des beaux-arts que de celui d’académie des sciences et des lettres.

Il n’est pas possible de séparer les sciences et les lettres en retraçant le rôle académique d’illustres familles lyonnaises dont les membres, se succédant de père en fils dans l’académie, les ont cultivées à la fois avec le même goût et se sont transmis, les uns aux autres, ce double héritage, plus précieux pour elles que les honneurs et les dignités. Tels furent les Dugas, dont nous avons déjà parlé, tels furent les Mathon de La Cour et surtout les de Fleurieu. Pendant près d’un siècle, les de Fleurieu sont l’ornement de l’académie et contribuent à étendre sa renommée au dehors. Ils entretiennent au loin des relations avec tous les plus savans hommes de l’Europe ; ils sont les correspondans, les hôtes, les amis de Voltaire et de Rousseau. Leurs salons ouverts à tous les gens de lettres rivalisent avec les salons littéraires de Paris. Ils fondent des prix nouveaux ou ils augmentent la valeur des prix anciens ; ils attirent de loin les concurrens par leurs encouragemens et leurs largesses. Parcourez les lettres de Voltaire, que de grâces, de prévenances, d’amabilités de toute sorte pour cette famille des de Fleurieu ! Le père, président de la