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la guerre[1]. Le congrès de Paris a été une première victoire pour le Piémont, une première revanche de Novare.

Les mémoires françaises sont encore pleines de ce qui bientôt suivit ; qui ne se rappelle les voyages de Victor-Emmanuel et de Cavour, les entrevues de Plombières, les bombes d’Orsini, le mariage d’une princesse de Savoie avec le prince Napoléon, le discours impérial du 1er janvier, l’ultimatum de l’Autriche au Piémont, et enfin la campagne de 1859 qui en quelques semaines arrachait la Lombardie à l’Autriche ? Pendant quelques mois, l’histoire de l’Italie se confond presque avec l’histoire de la France. Personne n’a oublié cette guerre, glorieuse pour nos armes, et ces noms : Magenta et Solferino, ces grandes victoires françaises, Palestro et San Martino, où Victor-Emmanuel et les Italiens combattaient à côté de nous. Tout le monde sait comment l’armée qui devait délivrer l’Italie des Alpes à l’Adriatique fut soudainement arrêtée à Villafranca, moins par les places fortes du quadrilatère et les tergiversations de Napoléon III que par l’attitude menaçante de la Prusse, qui n’avait pas encore découvert le profit qu’elle pouvait tirer d’une alliance italienne.

Les préliminaires de Villafranca arrêtaient les armes libératrices de la France, ils n’arrêtaient point le mouvement national des Italiens. Toutes les provinces débarrassées des garnisons autrichiennes secouaient l’une après l’autre la domination des princes qui, au lieu de combattre l’étranger, s’étaient faits ses lieutenans. Les petits états s’empressaient à l’envi de sacrifier une autonomie qui n’était qu’une sujétion déguisée de l’Autriche et une tyrannie tracassière et ignorante. Parme, Modène, les Légations, la Toscane, proclamaient Victor-Emmanuel, sans qu’un soldat piémontais eût foulé leur territoire. La Sicile, entraînée par Garibaldi et les mille, se précipitait dans le courant national, et le roi de Naples désertait sa capitale pour se réfugier derrière ses places fortes. Un élan soudain, une commotion sans exemple, avait jeté aux pieds de Victor-Emmanuel l’Italie rendue à elle-même. L’unité de ce pays, divisé depuis tant de siècles, avait été l’affaire de quelques mois. L’union des diverses provinces s’était accomplie à la façon des combinaisons spontanées des corps qui cèdent aux lois naturelles de l’affinité[2].

Machiavel, à la fin de son livre du Prince, a représenté l’Italie attendant en vain un sauveur, une sorte de messie national, devant lequel s’ouvriraient toutes les portes, tomberaient toutes les

  1. Voyez la récente Histoire de la guerre de Crimée, par M. Camille Rousset.
  2. Pour tous ces événemens, nous n’avons qu’à renvoyer les lecteurs de la Revue aux excellentes études de M. de Mazade sur le comte de Cavour, études qui en Italie même jouissent d’une légitime autorité. Voyez les numéros du 15 mars, 15 avril, 1er juin, 15 juillet, 15 septembre 1876, 1er janvier 1877.