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accabler de sa prépondérance ; un nouveau saint-empire germanique allant des bouches du Rhin aux Alpes ou à l’Adriatique ne serait pas pour elle un voisin moins gênant que l’ancienne monarchie de la maison d’Autriche. Le premier intérêt de l’Italie nouvelle, ce n’est point le complément de sa frontière sur l’Adige ou l’Isonzo, c’est l’affermissement ou l’instauration d’un nouvel équilibre européen sur des bases conformes à la nature et aux vœux des peuples. A cet égard, les intérêts de la péninsule sont identiques à ceux de la France ; si les deux pays n’ont pas de proie ou de butin à se partager, ils doivent également désirer que le remaniement territorial du continent puisse garantir à chaque nation la plénitude de son indépendance et assurer à l’Europe une ère de paix et de travail. Comme la France, l’Italie ne peut convoiter aucune hégémonie militaire, aucun primato politique ; toute tentative d’hégémonie ou de primato les rencontrerait tôt ou tard unies pour le maintien des libertés de l’Europe. Entre l’Italie et la France, il peut y avoir des dissentimens passagers, des malentendus réciproques, des soupçons de part et d’autre immérités, il ne saurait y avoir d’antagonisme national. Quelque attitude que les incidens de la politique puissent faire prendre à chacun des deux états, il viendra certainement un jour où ils ne sentiront plus que la connexité de leurs intérêts, où ils ne se rappelleront plus que leur fraternité d’origine et de civilisation.


III

L’on a souvent comparé l’œuvre du roi Victor-Emmanuel et de M. de Cavour en Italie à l’œuvre de l’empereur Guillaume et de M. de Bismarck en Allemagne. C’est là un des rares parallèles historiques fondés sur de réelles analogies. L’unité de l’Italie et l’unité de l’Allemagne sont deux faits du même ordre, deux faits provenant de causes semblables. Ce n’est pas le hasard qui les a rendus contemporains, pas plus que ce n’est le hasard qui les a placés dans notre siècle. Entre ces deux révolutions si voisines et pour ainsi dire si parentes, il y a cependant des diversités, des oppositions même qu’il importe de ne point perdre de vue. Pour le mode de construction comme pour le plan et le style de l’ouvrage, l’Italie édifiée par Victor-Emmanuel diffère presque autant de l’Allemagne reconstruite par l’empereur Guillaume que Florence et Venise diffèrent de Nuremberg ou de Kœnigsberg.

Dans les deux pays, comme chez toutes les nations du monde, l’unité s’est faite par réaction contre les voisins, par crainte ou par défiance de l’étranger, par orgueil national ; mais dans l’Italie opprimée depuis des siècles et privée de tout lien fédéral, l’unité, issue