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un pays aussi peu fertile et une population aussi pauvre et aussi peu nombreuse, de soutenir la dépense d’une monarchie et d’un gouvernement parlementaire. Donnez-nous, disent-ils, la Macédoine et Constantinople, et la Grèce deviendra bien vite un royaume riche et prospère. — Il faut dire adieu à ce rêve, si la principauté bulgare, absorbant et la Thrace et la Macédoine presque tout entières, ferme à jamais à la race hellénique le chemin de Constantinople. Aussi la Grèce réclame-t-elle contre l’extension de la Bulgarie jusqu’à la mer Egée ; elle proteste contre la règle adoptée par les plénipotentiaires russes de ne prendre en considération que l’importance numérique des races établies dans la presqu’île des Balkans sans tenir compte de l’influence, de la richesse acquise et de la supériorité de civilisation. Elle fait valoir que là même où les Grecs sont moins nombreux que les Bulgares, ils tiennent dans leurs mains tout le commerce, toute l’industrie et tous les capitaux, et que ce sont eux qui font vivre les Bulgares en les occupant comme laboureurs et comme ouvriers.

Est-il juste de subordonner la race la plus intelligente et la plus civilisée à celle qui n’a pour elle que la supériorité du nombre ? Les réclamations de la Grèce étaient une bonne fortune pour le gouvernement anglais : elles pouvaient servir d’argumens au sein du congrès pour faire remanier les limites de la Bulgarie et, en les écartant des côtes de l’archipel, empêcher la création à Kavala d’un port bulgare ou plutôt d’un port russe. L’Angleterre aurait eu mauvaise grâce à y mettre obstacle en son nom, il valait mieux laisser la parole à la Grèce, dont les plaintes, si elles étaient accueillies, conduiraient au résultat désiré. On peut donc croire que M. Wyndham ne découragea pas le gouvernement grec d’entreprendre une campagne auprès des grandes puissances. Déjà celles-ci, en invitant le gouvernement grec à rappeler les troupes qu’il avait fait entrer en Thessalie, lui avaient donné l’assurance, constatée dans une circulaire de ce gouvernement à ses agens diplomatiques, en date du 7 février, « qu’une question hellénique serait débattue au sein du futur congrès, et que la cause des populations grecques de la Turquie ne manquerait pas d’être le sujet d’un sérieux examen de la part des plénipotentiaires qui y siégeraient. » S’autorisant de ces assurances, le ministre des affaires étrangères d’Athènes, M. Delyanni, par une dépêche circulaire en date du 23 février, demanda formellement que la Grèce fût admise au futur congrès « comme le représentant naturel des aspirations nationales des populations grecques de l’empire ottoman. » Lord Derby, qui avait déjà été pressenti sur cette demande et s’y était montré favorable, s’empressa de répondre que « dans l’opinion du gouvernement anglais le gouvernement grec était parfaitement fondé à avoir