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mique et financière de la France ait rien d’alarmant, surtout au milieu des crises que traverse l’Europe ; elle est certes supérieure à celle de la plupart des pays du monde, sauf l’Angleterre. Il y a cependant des signes qui ne peuvent passer inaperçus, qui apparaissent dans les statistiques publiées par le gouvernement. Ainsi, d’après les tableaux du commerce qui viennent d’être mis au jour pour les trois premiers mois de 1878, le chiffre des importations aurait augmenté de 131 millions de francs sur la période analogue de l’année derrière ; les exportations ont subi au contraire une diminution de 60 millions. Sans attacher une importance exagérée à ces chiffres, il faut pourtant bien voir la trace d’un certain malaise ou d’une certaine stagnation dans ce double phénomène de l’accroissement des importations étrangères en France et de la diminution des exportations françaises au dehors. D’un autre côté, l’état des revenus publics vient d’être également publié, et on peut y constater ce fait nouveau, depuis longtemps inusité en France, d’un arriéré de 28 millions sur les premiers douzièmes des contributions directes, même d’une légère augmentation dans les frais de poursuites. L’arriéré s’explique tout simplement sans doute par un inévitable retard dans la confection des rôles à la fin de 1877, et cela prouve aussi le danger de recourir à cet expédient des douzièmes provisoires, de laisser le budget en suspens jusqu’à la dernière heure, au risque de s’interdire toute discussion sérieuse et de jeter un certain trouble dans les services administratifs. De toute façon, la situation économique et financière de la France, sans avoir rien d’inquiétant, est aujourd’hui à ce point où elle doit être considérée et traitée avec la circonspection la plus sérieuse, avec les ménagemens les plus attentifs.

Or quel est le système auquel on semble se laisser aller ? On dirait que les ressources de la France sont inépuisables et que ce colossal budget de près de 3 milliards est plein de magiques fascinations pour des politiques nouveaux impatiens de le manier. La république, qui paraît vouloir égaler l’empire en décrétant comme lui des boulevards, des fêtes et des illuminations, risque, si elle n’y prend garde, de l’imiter aussi dans son administration financière. Demander des diminutions d’impôt ; cela va sans dire, — c’est toujours le premier point. Il y a eu déjà dans le dernier budget des réductions auxquelles M. le ministre des finances a consenti, dont il a pris l’initiative, et on lui en demandera bien d’autres. Chaque région à sa victoire à remporter sur le budget ; chaque groupe d’intérêts locaux, chaque industrie a une réduction ou une abolition d’impôt à réclamer. Nous ne parlons pas des réformateurs toujours disposés à remplacer les réalités positives d’impôts éprouvés par des chimères qui ne rempliraient pas les coffres de M. le ministre des finances. D’un autre côté, il y a déjà des propositions de toute sorte pour payer la bienvenue de la république par une amélioration généreuse de la condition matérielle des fonctionnaires