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VOLTAIRE
D’APRÈS LES TRAVAUX RÉCENS

I. Œuvres complètes de Voltaire, publiées par M. Louis Moland, 1877. — II. Voltaire, six conférences par M. D.-F. Strauss, 1876. — III. Voltaire et la société au dix-huitième siècle, par M. Gustave Desnoiresterres, 8 vol. — IV. Voltaire, by general E.-B. Hamley. 1878. Blackwood.

C’était vers 1739, non plus déjà dans les premiers jours, mais dans la première ardeur encore de cette mémorable correspondance entre un prince royal de Prusse et le plus fameux des beaux esprits français d’alors. De Berlin ou de Rheinsberg à Cirey, l’ordinaire entretenait un commerce de coquetterie réglée. Jamais amans du bel air, dans les ruelles d’autrefois, n’avaient échangé complimens mieux tournés, déclarations plus galantes ni madrigaux plus précieux. Frédéric était jaloux de la belle, de l’incomparable Emilie qu’il appelait assez irrévérencieusement « la Du Châtelet. » Voltaire maudissait par avance les grandes affaires et les soucis d’état, qui, tôt ou tard, menaçaient de ravir son prince aux lettres, aux petits vers et à la philosophie. Le futur conquérant de la Silésie, le héros cauteleux et retors qui devait un jour démembrer la Pologne, s’exerçait à réfuter Machiavel en attendant l’heure propice de le commenter par les armes. Et le même rare écrivain dont on a conçu l’étrange fantaisie de faire l’un des ancêtres de notre démocratie égalitaire fatiguait la souplesse de sa plume à chercher, pour un amour-propre royal, des flatteries inédites et des adulations qu’il n’eût encore prodiguées dans l’antichambre d’aucun cardinal ministre ou dans le boudoir d’aucune favorite régnante. Macaulay, que les usages de la franchise anglaise dispensent de ménager les