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Excepté peut-être la Victoire qui décore le tombeau du maréchal Suchet et la majestueuse figure de la Patrie au fronton du Panthéon, les ouvrages qu’il a faits à l’imitation de l’antique, — particulièrement les sculptures de la porte d’Aix, à Marseille, et celles de la Douane, à Rouen, — n’ont ni la stricte correction, ni l’élévation de style qui distinguent les œuvres de même espèce exécutées par Simart et plus récemment par Perraud. Le Calvaire que possède la cathédrale d’Angers et la Religion du tombeau de Bonchamps trouveraient sans peine des équivalons même parmi les plus médiocres sculptures religieuses qu’ait vues naître la première moitié de ce siècle. Enfin, dans l’ordre des sujets héroïques, quelle statue de David mériterait d’être préférée au Thésée vainqueur du Minotaure, de Ramey, au Soldat de Marathon, de Cortot, ou, pour prendre des termes de comparaison dans les écoles étrangères, au Mercure s’apprêtant à tuer Argus, de Thorwaldsen, et, à plus forte raison, au Pyrrhus, de Bartolini ?

Si l’on ne considérait qu’une à une les preuves faites par David dans le domaine de l’imagination, ou si l’on se contentait de les rapprocher des ouvrages exécutés par d’autres en pareil cas, le sculpteur de la Jeune Grecque au tombeau de Botzaris et de l’Enfant à la grappe, de Sainte Cécile et de Philopœmen, semblerait donc tout au plus l’égal des sculpteurs dont nous venons de rappeler les noms. Mais il est toute une série de travaux qui lui assure une importance très personnelle et un rôle à part, une sphère où son talent n’a aucune comparaison à redouter, ni certaines erreurs accidentelles une fois constatées, aucun reproche sérieux à encourir. Nous voulons parler de la sculpture de portrait telle que David l’a pratiquée, et de cette longue suite d’images historiques ou contemporaines qui commence vers 1820, avec la statue de Condé et la touchante figure en bas-relief représentant la Comtesse de Bourck au tombeau de son mari, pour se continuer pendant les années suivantes, avec les statues du Maréchal Gouvion Saint-Cyr, du Cardinal de Cheverus, de Gutenberg, et les bustes, entre bien d’autres, de Lamennais, de Béranger, de Fenimore Cooper, pour s’enrichir enfin jusqu’au dernier jour de ces nombreux médaillons qui, mieux encore que le reste, permettent d’apprécier les aptitudes spéciales et la manière si individuelle du maître.

Voilà les vrais titres de David, voilà ce qui fait de lui un des altistes les plus remarquables du XIXe siècle. Sans doute, nous le disions en commençant, la popularité dont il a joui s’explique en partie par la notoriété même des hommes dont il a reproduit les traits ; mais elle tient aussi, et dans une large mesure, à l’originalité de son sentiment, de ses facultés, à son intelligence des