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— Cinq minutes après, il était arrêté et écroué : Propos séditieux. Dans la matinée du 3 avril, M. Denière put, moyennant bon « pourboire, » faire prévenir le marquis de Plœuc, qui accourut avec Charges lieslay. Celui-ci n’était pas content, il se fit assez vivement reconnaître du commandant de poste décoré de l’ordre de la tempérance et exigea la mise en liberté immédiate de M. Denière. On se confondit en excuses devant le doyen de la commune et l’on s’empressa de lui obéir, car il avait donné ses ordres avec un ton qui n’admettait pas de réplique. Il était alors midi. Quelques heures plus tard, il est fort possible que le dénoûment eût été moins rapide. Ce jour-là en effet, le général Henry devait être fait prisonnier, Duval et Flourens allaient être tués ; la commune, exaspérée de sa défaite, se préparait à systématiser ce régime de terreur qu’elle avait jusqu’alors laissé exercer selon les fantaisies particulières de ses représentans ; l’heure des otages était sur le point de sonner, et M. Denière, régent de la Banque de France, homme considérable dans son industrie, aurait bien pu passer de la place Vendôme au dépôt, du dépôt à Mazas, et de Mazas à la Grande-Roquette où plus d’un détenu est mort.

VIII. — les diamans de la couronne.

Dans cette circonstance, Charles Beslay avait agi avec spontanéité, on n’avait point eu besoin de faire appel à ses bons sentimens ; l’arrestation de M. Denière l’avait irrité parce qu’elle était arbitraire et aussi, il faut de dire, parce qu’elle avait atteint un des régens de la Banque ; or il n’est point douteux qu’il ne s’en regardât comme le chef, en quelque sorte comme le dictateur. Toucher aux choses ou aux fonctionnaires de la Banque, sans l’avoir consulté, c’était usurper sur son pouvoir ; il était décidé à ne point le tolérer, et ne le toléra pas. On le vit bien à la même date, dans les premiers jours d’avril, à propos d’une question d’ordre intérieur qui pouvait amener d’insupportables complications. Depuis le 25 mars, depuis que l’amiral Saisset, contraint par les circonstances, avait licencié les gardes nationaux réunis autour de lui, le poste extérieur de la Banque n’avait point été occupé ; on se contentait de faire des factions et des rondes à l’intérieur. Le comité de l’arrondissement, dont une délégation siégeait au Palais-Royal, trouva l’occasion bonne pour envoyer quelques fédérés à la Banque et fit demander pourquoi le poste restait vide. Beslay, consulté, déclara vertement que les employés de la Banque, organisés militairement, suffisaient à garder l’établissement tout entier, et le commandant Bernard fut chargé d’aller s’entendre à ce sujet avec la délégation du comité. M. Bernard fut fort habile ; il écouta toutes les objections qui lui furent faites, y répondit très doucement et finit