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d’étudier en eux-mêmes les événemens; il faut aussi les montrer dans leur préparation, dans leur suite, dans leur enchaînement, dans leurs résultats. Ce que M. Valfrey n’a pas cru devoir faire dans son introduction, il le fera sans nul doute avant d’entrer dans le récit des négociations relatives à la succession d’Espagne; c’est d’autant plus nécessaire que ces négociations se lient étroitement les unes aux autres et qu’elles s’éclairent mutuellement. Les distribuer d’après leur objet est l’ordre le meilleur, mais à la condition de les faire précéder d’un jugement d’ensemble qui soit un guide pour le lecteur.

Plusieurs erreurs, et quelques-unes assez graves, se sont glissées dans l’exposé historique de M. Valfrey. Il attribue à Saint-Evremond une pièce qui n’est pas de lui et qui se trouve dans ces nombreux recueils apocryphes publiés en France à son insu pendant son exil et qui n’étaient que des spéculations de libraires[1]. Du portrait authentique de Lionne par Saint-Évremond, il ne cite que le début, et il omet la partie la plus charmante[2]. Ni le témoignage de Saint-Simon, ni celui de Louis XIV, ni celui de l’abbé Choisy ne sont invoqués. Le rôle que Lionne joua pendant la fronde eût été plus complètement retracé si M. Valfrey s’était servi des Mémoires du cardinal de Retz, de Mme de Motteville, de Mlle de Montpensier et surtout du père Rapin. Il dit que Mazarin n’attendit pas le retour des princes à Paris après leur sortie de prison au Havre; c’est d’autant moins étonnant que Mazarin alla lui-même leur annoncer dans cette forteresse leur mise en liberté. M. Valfrey, trop porté à nier les erreurs de conduite de Lionne, dit que « le cardinal de Retz est mal posé pour lui reprocher d’avoir été brelandier et concubinaire. » Mais ce n’est pas seulement Retz qui adresse ce reproche à Lionne, c’est aussi Mazarin[3]. Ailleurs M. Valfrey, parlant de l’arrestation du cardinal de Retz, dit que « Mazarin, alors éloigné du territoire français, n’y prit aucune part matérielle, mais qu’on est fondé à supposer qu’il avait conseillé cette mesure. » M. Valfrey aurait affirmé, et non supposé, s’il avait pris connaissance des Mémoires du duc de Navailles dans lesquels on lit : « Je le conduisis (Mazarin) heureusement à Châlons. Il résolut

  1. Cet opuscule, qui a pour titre Abrégé de la vie de M. de Lionne, ne figure pas parmi les œuvres authentiques de Saint-Évremond, données par Silvestre et Desmaizeaux, qui ont eu tous ses manuscrits entre leurs mains et qui les ont publiés après sa mort.
  2. Celle qui commence par ces mots : « Parmi les divertissemens de ce loisir... » M. Valfrey aurait pu également se servir d’une lettre écrite par Saint-Évremond au comte de Lionne, neveu du ministre.
  3. Lettre de Mazarin à son confident Ondedei, du 18 juillet 1651, citée par M. Chantelauze dans le Cardinal de Retz et l’affaire du chapeau, t. Ier, p. 229.