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toujours reconnaître les monnaies frappées sous la commune. Elles ne sont pas nombreuses. En dehors des lingots fournis par la Banque, le bureau de change de l’hôtel Conti a reçu des objets d’argenterie soustraits à divers ministères et à quelques administrations publiques, évalués à une valeur approximative de 561,000 fr.[1]. De ces matières, Camélinat a tiré onze ou douze cent mille francs de pièces de cinq francs, qui, presque toutes rentrées à la Banque, ont été refondues pour être transformées en monnaie divisionnaire. On peut donc affirmer, presque à coup sûr, que les pièces « communales » sont dans la circulation en assez restreinte quantité pour être devenues une rareté numismatique. Au dernier moment de la commune, lorsque les troupes françaises se jetaient en avant malgré les incendies, Camélinat fit placer 70,000 francs sur un fourgon qu’il conduisit à ce qui restait du gouvernement insurrectionnel. Lorsqu’il revint vers le quai Conti pour renouveler son chargement, il aperçut le drapeau tricolore qui flottait sur l’Hôtel des Monnaies ; il trouva peu prudent d’aller chercher quelques pièces neuves et décampa[2].

Le 5 mai, trois jours avant que la Banque eût remis, pour la première fois, des lingots au monnayage de la commune, Jourde avait demandé un rendez-vous au marquis de Plœuc. Il avait, disait-il, d’importantes propositions à faire à la Banque, car il désirait entretenir avec elle des relations amicales qui mettraient fin aux réquisitions dont il était souvent forcé de la frapper. Sans croire que la négociation annoncée pût aboutir à un résultat pratique, le marquis de Plœuc se déclara prêt à écouter François Jourde ; mais de l’entrevue réclamée pouvait naître une décision grave à prendre : il appela près de lui deux régens, MM. Denière et Davillier. Devant ces hommes accoutumés aux grandes affaires du commerce, de l’industrie et de la Banque, Jourdé, accompagné de Charles Beslay, exposa son plan financier. On l’écouta avec la plus sérieuse attention, car on allait enfin savoir, on l’espérait du moins, quels étaient les principes économiques de la commune. On s’attendait à beaucoup de divagations, à beaucoup de projets sans consistance ; on ne fut point déçu. Parmi les phrases vagues dont Jourde parsema son discours un peu emphatique et prononcé d’une voix mal assurée, on put apercevoir le dessein d’augmenter les revenus, tout en diminuant les impôts ; par suite d’une série de mesures énoncées plutôt

  1. L’Hôtel des Invalides ne fut même pas épargné ; sur le « relevé des ustensiles divers en argent enlevés à main armée par les agens de la commune le 19 avril 1871, » je vois que le total du poids de la vaisselle plate volée est de 172 kil. 039 grammes.
  2. L’actif abandonné à L’Hôtel des Monnaies par le départ précipité de Camélinat fut placé sous les scellés le 26 mai ; la réalisation de cet actif, qui ne représentait plus que 58 pour 100 au profit des intéressés, a été effectuée au mois de novembre 1871.