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qui se prolongeait plus ou moins suivant l’état de santé de l’empereur.

Le mal, déjà en germe, dont souffrait Napoléon III lorsqu’il allait à Plombières commençait à prendre un caractère aigu et réagissait peu à peu sur la liberté de son esprit. Il éprouvait le besoin de se distraire de la politique. Ce qui l’intéressait particulièrement alors, c’était le défrichement des Landes, et il passait des journées entières à présider aux travaux qu’il faisait exécuter dans ses domaines. Jamais souverain ne s’est intéressé plus que lui au perfectionnement de l’agriculture et n’a eu pour le progrès de la science une prédilection plus marquée. Sa porte n’était jamais fermée à ceux qui avaient une découverte nouvelle à lui soumettre. On raconte que souvent ses ministres étaient forcés de céder le pas à des inventeurs. L’année 1865 marque une transformation dans son règne. À ce moment, il commençait à ressentir les fatigues du pouvoir, d’autant plus vivement que toutes les responsabilités venaient s’abriter dans son cabinet ; il éprouvait aussi la lassitude, sinon le dégoût des hommes.

Il avait fait en quinze années tant de douloureuses expériences qu’il ne savait plus au juste à quels dévoûmens ni à quels conseils il pouvait se fier. Plus que jamais il s’en remettait au destin ; mais, sans qu’il s’en doutât, son fatalisme changeait de caractère, d’actif il devenait passif : au lieu de diriger les événemens, il les subissait. Il avait eu d’ailleurs bien des mécomptes depuis la guerre de 1859. Les libertés qu’il avait spontanément concédées n’avaient servi qu’à fournir des armes aux partis hostiles. Le traité de Zurich était violé ; la convention du 15 septembre, loin de régler la question romaine, ne l’avait rendue que plus menaçante ; l’insurrection polonaise, que nous avions encouragée sur les instigations de l’Angleterre, jalouse de la cordialité de nos rapports avec la Russie, nous avait valu une riposte diplomatique fort désobligeante, et avait compromis à jamais le bénéfice de l’entrevue de Stuttgart. Nos relations avec les États-Unis n’étaient rien moins qu’amicales ; là aussi l’idée chimérique des nationalités et de la prépondérance française sur la race latine nous avait attiré les plus amères déceptions. L’expédition du Mexique, par le fait de notre drapeau malencontreusement compromis devant Puebla, avait pris des proportions imprévues. Non-seulement elle permettait à l’opposition de battre le gouvernement en brèche à l’intérieur, mais elle allait devenir, en absorbant nos finances et nos ressources militaires les plus précieuses, la cause de notre impuissance en 1866 et de nos revers en 1870.

Nous étions loin des beaux jours du congrès de Paris : dix années