Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 29.djvu/141

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tant par rapport[1]. « Ils estimaient qu’en matière d’art la commune représentait le pouvoir exécutif et que la fédération était le pouvoir législatif. Niaiserie considérable qui ne les faisait même pas sourciller et qui peut se traduire ainsi : les artistes se commandent des œuvres d’art, et la commune les leur paie.

Le général en chef de cette armée de rapins était Gustave Courbet, artisan de talent qui n’avait rien d’un artiste, dont la suffisance était bouffonne, qui croyait à sa mission et qui en somme n’était qu’une grosse bête. Dans les galeries du Louvre il promenait parfois sa forte bedaine et ses larges épaules ; il décidait volontiers sur toute chose qu’il ignorait, prononçait de son accent traînard des jugemens sans appel et prenait imperturbablement les Gérard pour des Greuze ; lourdement gouailleur du reste, et point méchant. Membre de la commune, et, — ce qui est à son éloge, — faisant partie de la minorité, il était trop sérieusement absorbé par les soucis de l’homme d’état pour continuer à diriger la fédération des artistes et à s’occuper des musées du Louvre. La fédération, ayant fini par destituer les conservateurs réguliers, les avait remplacés par une délégation choisie dans son sein et composée d’Oudinot, architecte ; Héreau, peintre ; Dalou, sculpteur, il est impossible d’avoir été plus convenable et d’avoir donné preuve de meilleures intentions que M. Oudinot. Dès la première heure, on fut assuré qu’il n’avait accepté ses fonctions que dans l’intention nettement déterminée de protéger les employés et de sauver les collections. Son autorité fut des plus douces et exercée avec une réserve de bon aloi à laquelle les gens de la commune n’avaient point habitué les opprimés qu’ils avaient la prétention de gouverner.

C’est le 17 mai, à la veille même de la débâcle générale, que le Journal officiel publia les nouvelles nominations : Achille Oudinot, administrateur ; Jules Héreau et Dalou, administrateurs adjoints. Ce dernier n’a laissé aucun souvenir au Louvre ; il paraît avoir été sans consistance et être resté naturellement neutre, ni bon, ni mauvais. Il n’en est pas de même de Jules Héreau, qui voulut se donner de l’importance et ne réussit qu’à faire prendre le change sur son caractère. Dans un rapport rédigé au jour le jour par un des fonctionnaires du Louvre, je vois que Jules Héreau est très sévèrement qualifié. « Cet homme s’agite, se démène, hurle ; il me fait l’effet d’une bête fauve. » — Fauve est de trop. C’est probablement un individu comme il en est tant, qui, ayant toujours déblatéré contre la morgue des administrateurs et des employés, exagéra sottement

les défauts qu’il reprochait aux autres. Il avait cependant conçu un

  1. Voyez l’Enquête parlementaire sur l’insurrection du 18 mars, t. II, déposition de M. Gerspach, 255 et seq.