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que le sacrifice peut ainsi couronner à chaque instant, foi et sentiment qui sont les fruits d’une éducation chrétienne et militaire qu’a cessé de recevoir une grande partie de la jeunesse française.


III. — LA DISCIPLINE DANS LE RÉGIMENT.

Les effets généraux de l’éducation obtenus, comment en assurer la solidité et la durée? Par un meilleur emploi des forces morales dont le commandement dispose pour remplir sa mission auprès des troupes. Pour assujettir à l’obéissance et à la règle les masses organisées, il y a trois moyens : la répression du mal, l’émulation du bien, l’emploi simultané et convenablement pondéré de ces deux méthodes. Dans l’armée de l’ancien régime, réunion de mercenaires indigènes et étrangers obtenus par le racolement, le premier moyen était seul connu et appliqué. On pendait les criminels à la queue du régiment ou on les envoyait ramer à la chaîne sur les galères du roi. On faisait passer les délinquans par les verges devant la troupe assemblée. On exposait les récalcitrans sur le cheval de bois dans la cour du quartier, on les emprisonnait pêle-mêle, etc.

Quand, à dater de la révolution, l’armée, d’abord exclusivement nationale par le volontariat généralisé, par les levées en masse et le service obligatoire, devint mixte en quelque sorte par le remplacement, et, de nos jours, par l’exonération succédant au remplacement, les formes de la répression furent complètement modifiées et allèrent toujours en s’adoucissant avec les mœurs publiques, mais la répression resta le moyen principal du commandement. Elle était à ce point dans les habitudes militaires que j’ai encore vu dans ma jeunesse des sergens instructeurs chargés du dressage des conscrits arrivant au corps, les traiter avec une rudesse qui était un reste de la tradition. Ils les tutoyaient et il n’était pas rare que les maladresses de ces pauvres diables, à l’exercice, fussent redressées par l’injure, quelquefois même par des poussées brutales. Depuis longtemps, dans tous nos régimens, le noviciat des jeunes soldats est devenu facile. Jeunes soldats et soldats faits y rencontrent une égale bienveillance, quelquefois des conseils éclairés et généralement une bonne direction. Mais la répression, d’ailleurs réglementée et en quelque sorte tarifée comme je l’ai déjà expliqué, est encore le moyen principal, je pourrais dire unique, du commandement, et si, dans l’ignorance de nos habitudes, on jugeait de la discipline de la plupart des corps de troupes par l’étude des registres surchargés de punitions, on pourrait la croire perdue alors qu’elle n’est à aucun degré compromise.

Ce vieux, subalterne et faux système de gouvernement des soldats survivra-t-il à l’ancienne armée? Sera-t-il appliqué à la nouvelle,