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qu’il y a de mieux à l’heure où nous sommes, et le discours que M. le ministre de l’intérieur a prononcé il y a quelques jours à Mortagne dans l’Orne, une allocution plus récente encore de M. le ministre des affaires étrangères à Laon, ont justement le mérite de répondre à cette situation. L’un et l’autre, M. de Marcère et M. Waddington, sous des formes différentes, semblent s’être proposé de résumer cette politique de raison qui consiste à poursuivre la paix intérieure par l’affermissement, par le jeu régulier des institutions entre les partis extrêmes. Que tous ceux qui cherchent dans des crises nouvelles la réalisation de leurs espérances et qui au fond craignent le succès d’une république libéralement sensée s’efforcent de démontrer que cette république est impossible; qu’ils mettent un triste zèle à tirer parti du moindre incident, à créer des difficultés, à entretenir par tous les moyens l’incertitude, c’est tout simple, ils sont dans leur rôle. Ils en sont pour le moment à ce qu’on peut appeler une politique négative, la politique des dénigremens et des faux bruits servant à propager la défiance. Tout leur est bon, pourvu qu’ils puissent éveiller une crainte, jeter un doute sur le lendemain. Tantôt c’est le ministère qui se divise, qui se disloque et qui va être remplacé : on n’attend pour le renouveler que le retour des chambres et l’entrée d’une majorité décidément républicaine dans le sénat. Tantôt c’est M. le président de la république lui-même qui va donner sa démission; dès la clôture de l’exposition, au plus tard après les élections sénatoriales, M. le maréchal de Mac-Mahon doit se retirer! On dirait une succession déjà ouverte : que va-t-il arriver? quels sont les candidats à la présidence? on ne s’arrête plus. Et pourquoi M. le maréchal de Mac-Mahon se retirerait-il? Lorsqu’il a cru de son devoir d’accepter la situation que les événemens de l’an dernier lui ont créée, il l’a fait, nous n’en doutons pas, par patriotisme et par dévoûment. Les raisons qui l’ont déterminé n’ont pas perdu leur puissance, et son pouvoir n’est ni contesté ni menacé. Par une fortune rare, après de si violens ébranlemens, il a dû à l’honnêteté évidente de ses résolutions, à la correction de l’attitude qu’il a prise, de ne pas cesser d’inspirer le respect. Quel motif sérieux y a-t-il de supposer des difficultés et des conflits, qui modifieraient encore une fois cette situation, que rien d’ailleurs ne justifierait? M. de Marcère, dans son discours de Mortagne, a spirituellement appelé tous ces propagateurs de faux bruits ces prophètes de crises prochaines, les médecins Tant-pis du moment.

Ces médecins Tant-pis, ce sont ceux qui annoncent chaque jour la mort du malade, qui voient l’industrie en péril, la société menacée d’anarchie, les pouvoirs publics toujours sur le point d’entrer en lutte, les élections sénatoriales près de faire triompher le radicalisme, et au bout de tout la démission de M. le maréchal de Mac-Mahon, Par une particularité significative, ces bruits viennent surtout de ceux qui voudraient