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UN GENTILHOMME DE SAVOIE
PENDANT LA RÉVOLUTION

LE MARQUIS HENRY COSTA DE BEAUREGARD
Un Homme d’autrefois, souvenirs recueillis par son arrière-petit-fils, le marquis Costa de Beauregard. Paris, 1878. Plon.

C’est le caractère de la révolution française d’avoir été la rencontre fatale, la mêlée tragique de deux mondes, la réalisation dans l’histoire du grand duel que « l’anonyme » de Pologne a mis en poésie et personnifié dans la Comédie infernale sous les noms de Pancrace et du comte Henry. La bataille est finie maintenant, elle semble toujours finie. Pancrace a vaincu, il jouit de ses conquêtes, le comte Henry ne combat plus pour le passé au milieu des foudres et des éclairs dans son vieux fort en ruines. Le monde nouveau a triomphé, le monde ancien n’est plus qu’un souvenir. Les bulletins de la longue campagne sont écrits partout, ils forment les annales du siècle; mais il en est de cette bataille des révolutions comme des autres batailles : on n’en voit d’abord que l’ensemble. Ce n’est qu’avec le temps que la grande action livre tous ses secrets, que la vérité humaine se dégage et qu’à côté des scènes éclatantes se révèle une autre partie de l’histoire, plus intime, plus vivante peut-être et plus caractéristique. Ce n’est que peu à peu que le drame tout entier se dévoile avec ses épisodes multipliés, ses retentissemens infinis, et dans ce drame aux péripéties sans nombre, si la cause victorieuse a la fortune pour elle, la cause vaincue a l’indéfinissable et pathétique intérêt des défaites irréparables, des luttes obscures et désespérées, des existences individuelles emportées et broyées dans le torrent des événemens. Cette cause vaincue, elle a ses