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une certaine durée à chaque évaluation, dix ans par exemple, pour ne pas jeter trop de trouble parmi les contribuables.

Ce procédé serait évidemment plus expéditif que la réfection du cadastre ; mais serait-il aussi efficace ? Quelque bien renseignée que soit l’administration sur le revenu général de la propriété foncière, elle ne l’est pas d’une façon qui défie toute critique sur le revenu spécial de chaque parcelle ; on discuterait toujours avec elle, on contesterait ses chiffres, et il y aurait beaucoup de procès à soutenir avant-que chacun acceptât les résultats de la nouvelle évaluation. Le cadastre présente plus de garantie ; il est fait, et doit être fait par des employés de l’administration qui n’ont pas de parti pris et qui procèdent partout de la même manière ; ils voient les cultures, arpentent les parcelles, reçoivent les observations des intéressés. C’est comme une enquête qui s’ouvre sous les yeux de tout le monde. On en acceptera plus facilement les résultats, quelque désagréables qu’ils puissent être pour ceux qui auront à payer plus d’impôts. Le premier cadastre a demandé quarante-deux ans, de 1808 à 1850 ; mais il y avait alors beaucoup de tâtonnemens, on était moins expérimenté qu’on ne l’est aujourd’hui, on avait moins de moyens d’investigation et de contrôle ; il faut espérer que maintenant, avec une organisation meilleure, ce travail pourrait être refait en peu de temps et coûterait infiniment moins de 150 millions. C’est aussi le sentiment exprimé par M. Paul Leroy-Beaulieu dans son Traité des finances.

Une fois cette évaluation nouvelle accomplie, que pourrait-on demander de plus à la propriété foncière ? Elle paie aujourd’hui au principal moins de 5 0/0 de son revenu, et 8 0/0 au plus avec les centimes additionnels, et cependant elle avait été taxée à 17 0/0. Elle serait mieux en état aujourd’hui de payer ces 17 0/0 qu’à l’époque de la révolution. Nous ne les demandons pas ; cela pouvait paraître équitable en 1790, lorsque l’impôt foncier régularisé succédait aux taxes multiples qui grevaient alors le sol et le pressuraient outre mesure. Le contribuable y gagnait toujours d’être à l’abri des vexations qui accompagnaient l’ancien système de perception. Aujourd’hui, ces 17 0/0 ne seraient plus justifiés. Que l’état obtienne davantage d’un impôt par la plus-value, cela est naturel et légitime, et le reproche qu’on peut faire à celui qui pèse sur les immeubles est précisément de ne rien donner pour cette plus-value. Mais il n’en résulte pas que la quotité de la taxe doive toujours rester la même, quoi que soit le progrès. L’impôt foncier, fixé en 1790 à 240 millions, rapporterait aujourd’hui sur les mêmes bases 680 millions, en dehors des centimes additionnels. Évidemment ce serait trop, et il est juste que la quotité baisse à