Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 29.djvu/447

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mobilier. Il était progressif par rapport au loyer, mais il restait proportionnel quant au revenu. Ce mode d’appréciation était plus ou moins erroné, l’expérience a montré qu’il l’était beaucoup, car on n’a pas tardé à le changer; le système actuel consiste à imposer également tous les loyers au marc le franc, sans s’inquiéter du rapport qu’ils peuvent avoir avec le revenu réel. Il est encore très loin de réaliser la perfection, et il donne lieu dans la pratique à beaucoup de choses assez choquantes. Deux individus sont également riches, l’un habite la province, l’autre Paris; le premier a pour 4,000 francs de loyer, le deuxième occupe un appartement qui lui coûte 10,000 francs; ils seront imposés très différemment à la taxe mobilière. Et cependant celui qui ne paie que 4,000 francs sera encore plus riche de toute l’économie qu’il aura faite sur son loyer. Il y a là une inégalité très grande. D’autres inégalités résultent des exigences sociales ou industrielles; beaucoup de personnes sont obligées, par leur situation comme fonctionnaires ou comme commerçans, d’avoir un luxe d’habitation qui ne s’impose pas à d’autres personnes plus riches, mais qui ne sont pas dans la même position. L’avocat, le médecin, le dentiste, pour ne citer que ces professions, sont tenus souvent d’habiter certains quartiers et d’avoir un logement au-dessus de leurs moyens.

Mais la plus choquante de toutes les inégalités est celle qui se produit à l’occasion de l’augmentation des charges. Votre famille vient à s’accroître par la naissance de plusieurs enfans; il vous faut un appartement plus grand, vous ne pouvez pas, pour des raisons diverses, l’aller prendre dans un autre quartier ou monter à des étages supérieurs. Vous êtes obligé de vous agrandir là où vous êtes, en payant plus cher. L’impôt mobilier s’accroît en conséquence et s’ajoute à vos nouvelles charges. On a cherché à faire des distinctions dans certains cas; mais ces cas auraient été si nombreux, si on eût admis toutes les réclamations fondées, que le produit de la taxe en eût été grandement compromis. On a dû y renoncer et maintenir l’impôt tel qu’il est. Malgré cela, il faut le dire, il est encore un de ceux qu’on supporte le plus aisément; il n’est bien lourd que dans les grandes villes et particulièrement à Paris ; partout ailleurs il est assez léger, et personne ne s’en plaint. Les 100 millions qu’il rapporte ne représentent que 1/2 pour 100 du revenu brut du pays, si tant est que ce revenu soit de 20 milliards. Il est vrai qu’il faut en défalquer 4 milliards de profits industriels qui paient déjà l’impôt de la patente, et pareille somme de revenus fonciers qui sont soumis également à une taxe particulière. Mais même après cette défalcation, l’impôt reste encore assez léger, et personne n’y ferait attention s’il était mieux réparti. On