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fixes d’un particulier, on les prend tels qu’il les a déclarés sauf contrôle, sans en rien déduire. S’il s’agit d’un industriel au contraire ou d’un commerçant, celui-ci n’est tenu de faire connaître que son bénéfice net, après déduction de toutes les dépenses qu’il devra faire pendant le cours de l’année, même pour son entretien. Par conséquent, si le premier a besoin de tout son revenu pour vivre, il ne lui restera plus rien à la fin de l’exercice, tandis que le second aura économisé ce qui n’aura pas été pris par l’impôt. C’est là une différence essentielle. Soutiendra-t-on que, même avec cette différence, l’égalité n’existera pas encore, que le bénéfice du commerçant est précaire et peut périr demain, tandis que celui du propriétaire subsistera toujours? Cela est vrai ; mais, si l’on veut être logique et aller jusqu’au bout, il faut dire qu’on ne devra pas imposer du tout les bénéfices industriels, car, imposés même à moitié ou au tiers des revenus fixes, ils paraîtront l’être encore davantage. En bonne justice, il n’y a que le traitement des fonctionnaires et les honoraires de toute nature qui devraient être ménagés. Mais ici encore on a le droit de mettre en dehors de la déclaration ce qu’on est obligé de payer pour une assurance sur la vie si on en a fait une, de sorte qu’il dépend de ces contribuables de convertir dans une certaine mesure leurs revenus précaires en revenus solides.

Malgré cela, il faut en convenir, l’impôt du revenu sera toujours difficile à établir en France. Notre pays est celui où l’on obéit le plus aux préventions. On a dit que cet impôt, devant reposer en grande partie sur les déclarations, donnerait lieu à une fraude considérable; cette objection a été adoptée sans examen, et elle a suffi, jusqu’à présent, pour faire écarter le principe même de la taxe. On ne réfléchit pas que cette déclaration dont on se défie tant est déjà la base de beaucoup de nos contributions, et des plus importantes. C’est sur la déclaration, pouvant être contrôlée comme le serait celle du revenu, que sont perçus les droits de mutation, de succession, ceux de douane, l’impôt des boissons, du sucre, etc., etc. La fraude existe sans doute, mais elle est si peu considérable que le fisc aime mieux la subir que de chercher à la réprimer par des moyens vexatoires. Enfin on dit : Gardons-nous de l’impôt du revenu, car il ouvrirait la porte à l’impôt progressif, ce serait le premier pas dans cette voie. M. Casimir Perier a parfaitement répondu à cette objection dans un rapport de 1872. « Le jour, a-t-il dit, où le pouvoir serait entre les mains de gens capables de soumettre le pays à l’impôt progressif, ils n’auraient pas besoin de précédent ou de préliminaires. » Ils l’établiraient en effet, d’un trait de plume, au moyen du rôle des contributions directes, ou par