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riode septennale : M. Gambetta a-t-il complètement réussi à faire ce qu’on peut appeler un discours approprié à la situation, à parler en politique pénétré des nécessités du moment ? On peut en douter. Ce n’est point certes qu’au fond ce discours soit aussi gonflé de radicalisme et aussi menaçant qu’on Fa prétendu. Quand on serre de près toute cette éloquence, quand on cherche à dépouiller les idées principales de leur enveloppe oratoire, il se trouve au contraire en définitive que ce discours de Romans n’a rien vraiment de révolutionnaire ni même de très hardi. Ainsi M. Gambetta est le premier à sentir la nécessité de respecter, de maintenir la constitution telle qu’elle a été faite, et ce n’est pas sans esprit qu’il propose de donner l’exemple de la stabilité, de la régularité dans les institutions de la république en opposition aux instabilités de la monarchie depuis près d’un siècle.

Que propose M. Gambetta au sujet de l’armée et de l’organisation militaire ? Il voit, il est vrai, une interprétation abusive de la loi dans la permanence indéfinie des chefs placés à la tête des grands commandemens militaires ; que la critique soit juste ou erronée, elle ne touche pas dans tous les cas aux ressorts essentiels de l’organisation des forces de la France. C’est là une question qui peut être discutée apparemment sans péril pour la société, sans dommage pour l’armée elle-même. Quant à tout le reste, il faut le dire, l’orateur de la gauche est aussi résolu que précis dans ses déclarations sur la nécessité de maintenir strictement l’esprit de discipline, de bannir la politique des régions militaires, de laisser en un mot l’armée au grand et unique devoir de représenter, de sauvegarder l’honneur et l’indépendance du pays. Est-ce au sujet de la magistrature que M. Gambetta se montre subversif ? Il n’est point à la vérité très indulgent pour les magistrats suspects d’hostilité contre les institutions ; il a néanmoins le courage de se prononcer tout haut pour le principe tutélaire de l’inamovibilité des juges, et le dernier mot de sa politique paraît être de soumettre la magistrature française à une investiture nouvelle au nom de la république. Ce n’est là qu’une illusion sans doute, ce ne serait qu’un palliatif peu sérieux, si ce n’était pas un moyen détourné pour arriver à des exclusions de parti, et l’orateur de la gauche ne voit pas qu’il est un peu tard, trois ans après la promulgation des lois constitutionnelles de la république, pour songer à une institution nouvelle de la magistrature ; mais en fin de compte c’est là encore une question qui doit être examinée avec maturité, avec une équité supérieure, dont la solution doit concilier le respect de l’indépendance nécessaire de la justice et le respect qu’un gouvernement se doit à lui-même. Les déclarations de M. Gambetta sur les finances, sur cette éternelle et insaisissable combinaison des dégrèvemens d’impôts et de l’augmentation de certaines dépenses, peuvent être chimériques, elles n’ont rien de radical. Quand