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énergiques que le Times et le Daily News, plus agressifs contre l’Angleterre que lord John Russell et lord Ellenborough contre les souverains héréditaires de la péninsule. N’était-il pas imprudent de tenir un langage comme celui-ci : « Décider si l’on est bien ou mal gouverné, si la corruption et la cruauté sont arrivées au point qui justifie la résistance, appartient à ceux qui vivent sous un gouvernement et non point à ceux qui veulent maintenir ce gouvernement par des motifs de sentiment ou de religion. « — « L’Europe a confirmé ce principe dont dépend la question italienne que c’est le droit d’un peuple de choisir ses maîtres. » Les mêmes doctrines se retrouvaient dans le discours du trône à l’ouverture du parlement, et dans une allocution prononcée devant les électeurs d’Aberdeen par lord John Russell, ministre des affaires étrangères. Aussitôt les Irlandais se dirent qu’il fallait prendre l’Angleterre au mot. Une pétition, que signèrent bien vite un demi-million d’hommes, circula dans l’île entière. On serait tenté de croire qu’elle avait été rédigée avec une pointe de malice, tant il y avait d’à-propos dans ces paraphrases des principes proclamés chaque jour par le peuple anglais. « Les pétitionnaires constatent avec un intérêt profond que le discours de votre majesté reconnaît le droit de tous les peuples à choisir leurs chefs ou à modifier la forme de leur gouvernement. Ce droit est encore proclamé dans les discours du ministre des affaires étrangères et d’autres personnages de haut rang ainsi que dans les journaux anglais les plus influens. Ces paroles ont reçu une approbation unanime ; elles sont conformes à la politique suivie par votre gouvernement dans les événemens dont l’Italie centrale vient d’être le théâtre ; le souverain, les ministres, la presse, le peuple anglais tout entier sont d’avis qu’une nation qui se croit mal gouvernée a le droit de substituer un gouvernement de son choix à celui qui lui déplaît, pourvu que ce choix soit confirmé par le suffrage universel. Personne n’ignore que les Irlandais ont le plus vif désir de reconquérir leur indépendance nationale, dont ils ont été privés injustement. Les conseillers de votre majesté lui ont peut-être persuadé que cette opinion est en minorité parmi nous ; nous vous supplions de décider que la question sera tranchée par le vote au scrutin secret de tous les habitans de l’Irlande. Les pétitionnaires ont confiance que leur requête sera d’autant mieux accueillie qu’elle se présente sous une forme respectueuse, pacifique, et non point accompagnée, comme en Italie, par des révolutions politiques auxquelles les ministres de votre majesté ont accordé leur approbation. »

Cette pétition resta sans réponse. Il y manquait sans doute ce je ne sais quoi d’efficace que le Times définissait assez exactement en