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de l’état gérées par le ministère des finances, d’une contenance de 2,016,177 hectares ; en forêts de fondations appartenant aux universités ou aux établissemens religieux, dont la contenance est de 57,434 hectares et qui sont administrées par le ministère de l’instruction publique et des cultes ; et en forêts particulières dont la contenance est inconnue. Encore inexplorées, pour la plupart, privées de voies de communication, elles renferment un matériel énorme qu’on cherche aujourd’hui à réaliser peut-être avec un peu trop de précipitation, car on en livre les produits à vil prix en faisant appel à tous les spéculateurs de l’Europe. Le chêne et particulièrement le chêne pédoncule abonde dans ces forêts et couvre, mélangé au charme et à l’orme, d’immenses surfaces. Ces arbres au fût cylindrique, élevé, exempt de nœuds, de croissance régulière, à fibres droites, produisent des parquets magnifiques et le plus beau merrain qu’on puisse voir. Le merrain, qui se paie sur place, suivant les difficultés ou les facilités de l’extraction, de 5 à 36 francs le mètre cube, est expédié en France et en Allemagne. Le merrain français, destiné à des futailles de petites dimensions, est débité en douelles uniformes de 3 centimètres d’épaisseur, de 15 à 18 centimètres de largeur et de 1 mètre 15 centimètres de longueur ; il est embarqué à Trieste à la destination de Marseille, de Cette et de Bordeaux, et entre pour les 9/10e de la consommation totale de la France. Quant au merrain allemand, il est formé de larges douves plus minces au milieu qu’aux extrémités et dont la longueur varie de 4 à 8 mètres. Il représente, à destination de l’Allemagne, de la Suisse, de la Belgique et de la Hollande, une exportation de 8,750,000 francs.

Ces forêts renferment également des frênes, des hêtres et des ormes, et, sur les hauteurs, des pins, des sapins, des épicéas et des mélèzes. Un des produits les plus singuliers de ces résineux est le bois de résonnance. Fourni par l’épicéa des hautes régions, ce bois sert à la fabrication des tables d’harmonie et des divers instrumens de musique ; il doit sa sonorité à des canaux longitudinaux qui, se remplissant d’une résine concrète et dure, compriment le cambium et produisent sur les accroissemens ligneux annuels des inflexions particulières. Les arbres qui présentent cette particularité sont exploités avec soin, et se vendent, après avoir été débités en planchettes, jusqu’à 800 francs le mètre cube.

Après avoir parcouru rapidement les expositions forestières des différens pays, il nous reste à parler de celle de la France et des questions fort importantes qui s’y rattachent. Ce sera le sujet d’une prochaine étude.


J. CLAVE.