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le prévenu aura droit à un défenseur. Si les projets des commissions gouvernementales sont réellement appliqués, ce sera une chose singulière que l’introduction de ces maximes du droit moderne dans une justice anormale et archaïque.

L’organisation projetée des nouveaux tribunaux ecclésiastiques est en grande partie calquée sur celle des tribunaux ordinaires récemment institués. Il y aurait dans chaque diocèse un ou plusieurs juges ecclésiastiques élus parmi les membres du clergé séculier et nommés par le clergé lui-même avec le concours des représentans laïques des paroisses. Ces juges auraient vis-à-vis des membres du clergé une juridiction analogue à celle des juges de paix vis-à-vis des laïques; ils connaîtraient de tous les petits délits commis par un ecclésiastique contre les lois et les règlemens de l’église. Au-dessus de ces juges seraient placés des tribunaux d’arrondissement comprenant chacun plusieurs diocèses. Les membres en seraient également des prêtres, et le président, nommé par l’empereur sur la présentation du saint synode, serait un dignitaire ecclésiastique ayant rang d’archiprêtre ou même d’évêque. Ces tribunaux d’arrondissement jugeraient en appel les affaires soumises aux juges inférieurs, et en première instance les affaires plus graves. Leurs arrêts ne pourraient être attaqués que devant le saint synode, qui continuerait à faire fonction de cour de cassation. Des procureurs laïques placés sous les ordres du haut procureur du saint synode formeraient le parquet de cette magistrature cléricale. Pour appliquer au saint synode même le principe de la séparation des pouvoirs, on a proposé d’y établir une section dont les membres n’auraient d’autres attributions que celles de juges, et seraient désignés par l’empereur parmi les prêtres ou archiprêtres. Cette section jouerait le rôle de cour d’appel par rapport aux tribunaux d’arrondissement, et dans ce cas l’assemblée générale du saint synode servirait de cour de cassation[1].

Pour ce qui est de la compétence de ces tribunaux d’église, leur juridiction s’étend aujourd’hui sur toute une classe d’hommes, le clergé, et sur tout un groupe d’affaires, les causes matrimoniales, les causes de divorce ou mieux d’annulation de mariage[2]. La

  1. La section judiciaire du saint synode aurait à juger les crimes et délits commis par les archiprêtres (blagotchinnye) et autres dignitaires ecclésiastiques d’un certain rang, tandis que les membres du saint synode n’auraient d’autres juges que le plenum de cette assemblée.
  2. Voyez à cet égard la Revue du 1er mars 1874. Je remarquerai, en passant, qu’en certains cas, les tribunaux d’église ont leur pénalité particulière, la pénitence ecclésiastique ou détention dans les couvens, peine réservée après les procès en divorce aux époux coupables d’infidélité.