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REVUE MUSICALE

M. Gounod a écrit jusqu’à ce jour quatre opéras pour notre première scène lyrique : Sappho (16 avril 1851), la Nonne sanglante (1854), la Reine de Saba (28 février 1862), et finalement Polyeucte, qu’on vient de représenter; sur ces quatre ouvrages, trois ont complètement disparu, et le plus récent aura selon toute vraisemblance le destin des trois autres. Chose singulière que Faust, l’unique partition de l’auteur qui se maintienne au répertoire, n’y soit point née, et qu’il ait fallu pour l’importer du Théâtre-Lyrique les prédilections particulières de M. Perrin, qui, cédant à son goût du pittoresque, résolut d’installer en bon lieu cette musique et de la tirer de l’obscurité à grand renfort de lumière électrique! C’est que peut-être M. Gounod ne s’est jamais trop rendu compte de l’objectif vers lequel il tendait au théâtre. Des doctrines, n’en a pas qui veut. Regardez M. Richard Wagner; c’est un caractère, un homme d’esthétique et de science, entêté, mais convaincu, personnel à outrance, mais virilement, sans roucoulades ni vapeurs ; s’il lui prend fantaisie d’écrire des préfaces ou de gros livres, sa discussion vous montre tout de suite que vous avez affaire à un écrivain qui connaît son métier; vous pouvez être en absolu désaccord sur les principes, mais il ne vous est pas permis de nier que tout cela soit d’un style solide et fort, d’un esprit toujours sûr de la question mythique, religieuse, historique et philosophique qu’il agite. Qui dit maître, dit unité de conception. Spontini, Weber, Meyerbeer, ont un ensemble de doctrines qui ressort de leurs œuvres mêmes. Jamais l’amour féminin, l’amour pur, chaste, sublime, ne trouva pour s’exprimer au théâtre une voix plus adorable que la voix de Julia dans la Vestale. C’est de l’antique, non plus sophistiqué d’après Gluck, mais de l’antique révélé, inspiré, ayant vie et parfum, l’antique de notre André Chénier en poésie. Que sont, près de cette incomparable invocation à Lucine, de ce mélodieux soupir d’une belle âme divinement émue, vos hymnes à Vesta avec