Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/274

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

œuvre vaine que prétendre à changer les allures de son style. Pas davantage ne serait-il, à mon sens, possible de bouleverser la marche de la procédure criminelle en étendant à une ou plusieurs autorités autres que celle du ministère public le droit de traduire les enfans en justice, ou de transposer l’ordre des juridictions en substituant à la juridiction du tribunal correctionnel celle des juges de paix. Ce serait aller trop directement à l’encontre de nos mœurs judiciaires, et se laisser égarer en même temps par une fausse analogie, les pouvoirs des juges de paix et des magistrats de police en Angleterre étant bien autrement étendus que ceux de ces mêmes magistrats en France. J’indiquerai cependant tout à l’heure comment cette même juridiction du tribunal correctionnel pourrait peut-être statuer sous une forme différente, avec plus de profit et non moins de garantie pour l’enfant. Mais ce n’est là qu’un point de réforme secondaire, et, sans méconnaître ce que la multiplicité des autorités chargées de la poursuite et de la répression des délits commis par l’enfance ajoute d’efficacité à la loi anglaise, je ne crois pas qu’il faille se tourner de ce côté dans des vues d’emprunt et de réforme.

Quelles sont donc les dispositions qu’on pourrait avec succès se proposer de faire passer de la législation anglaise dans la nôtre? C’est la séparation, très judicieuse en théorie, très efficacement réalisée dans la pratique, entre les enfans qui ont déjà donné des preuves d’une perversité précoce et ceux qui se sont seulement montrés enclins aux habitudes mauvaises; c’est la distinction entre l’école de réforme qui correspond à notre colonie correctionnelle sur le plan de laquelle elle-même a été conçue et l’école industrielle dont nous n’avons point en France le pendant. Il s’agirait donc d’introduire chez nous l’école industrielle, et il est facile d’y arriver sans bouleverser notre législation.

La première condition serait de réaliser dans la pratique cette distinction en créant à côté de nos établissemens actuels, dont on conserverait l’organisation, des établissemens nouveaux qui seraient spécialement destinés à recevoir les enfans arrêtés sous prévention de mendicité et de vagabondage. Peut-être y aurait-il lieu d’y recevoir également (et en cela on se rapprocherait encore de la loi anglaise) les enfans arrêtés pour la première fois au-dessous de douze ans, quelle que fût la nature de l’infraction commise par eux[1]. Il faudrait avoir soin de conserver à ces écoles la dénomination très heureusement trouvée d’école industrielle, et faire de cette dénomination une réalité en y appliquant les enfans d’origine urbaine à

  1. L’administration pénitentiaire a ouvert récemment, pour ces enfans, une colonie dirigée par des sœurs du Bon-Pasteur de Limoges. Mais cette création très utile ne répond pas tout à fait à la même pensée que les écoles industrielles.