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est-il en même quantité dans le sang artériel et dans le sang veineux? Sert-il à l’entretien des tissus, ou est-il un produit de désassimilation, ou traverse-t-il indifférent les organes et les tissus, se retrouvant identique à l’entrée comme à la sortie? Claude Bernard résout cette question fondamentale : le sang artériel est notablement plus riche en sucre que le sang veineux de la périphérie. Le sang s’appauvrit en sucre en traversant les membres et la tête dans les capillaires. Les organes dépouillent donc, plus ou moins, de sucre, le sang artériel; et le sang contenu dans les grandes veines de la périphérie témoigne de cette perte.

Mais il n’en est pas ainsi sur tous les points du système veineux : revenu au cœur droit, le sang veineux a recouvré sa richesse en sucre, et il en contient une quantité égale, et même supérieure, à celle que contenait le sang artériel. Le sang veineux a donc trouvé, pendant son retour de la périphérie au cœur, une source où il s’est chargé de sucre. Cette source, quelle peut-elle être, sinon le foie? L’analyse le prouve : tandis que dans tous les tissus, dans toutes les glandes, le sang veineux qui sort est plus pauvre en sucre que le sang qui entre, dans la glande hépatique seule on trouve le contraire ; il y a plus de sucre dans les vaisseaux efférens que dans les vaisseaux afférens. Le foie restitue donc le sucre au sang dépouillé au contact des tissus. D’ailleurs Claude Bernard constate cet autre fait très important, c’est que le sucre du sang ne disparaît pas seulement dans le travail caché de la nutrition ; il se détruit aussi plus ou moins rapidement dans le sang, en dehors même de tout acte nutritif. Il faut donc qu’il y ait une source physiologique de sucre qui incessamment le verse dans le torrent circulatoire, pour en fournir la dose presque invariable que le sang artériel doit contenir.

C’est si bien le foie qui fabrique le sucre, et c’est si peu le sang qui l’apporte tout fabriqué au foie, que le foie dépouillé de tout le sang qu’il contient, et par conséquent de tout le sucre que le sang peut contenir, continue à fabriquer du sucre; il suffit de lui laisser le temps nécessaire à cet effet. C’est là ce que prouve Claude Bernard avec sa célèbre expérience du lavage du foie. Cette glande a tout perdu par le courant d’eau que l’on fait passer à travers ses vaisseaux ; ceux-ci sont vides de sang, il n’y a plus trace de sucre dans le tissu de la glande. Quelques heures après, livrée à elle-même, la glande a refait du sucre, et l’analyse le décèle aisément.

Le sucre du sang vient donc du foie ; il ne provient pas directement d’une alimentation chargée de principes sucrés, ou de principes facilement transformés en sucre, comme les féculens. L’origine alimentaire du sucre du sang avait été invoquée; Claude Bernard y avait répondu en nourrissant exclusivement des animaux