Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/288

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

échappent-elles à l’action nerveuse, et s’opèrent-elles par de simples et invariables actions de présence dans les profondeurs du tissu hépatique et des humeurs qui le baignent? A ces questions Claude Bernard répond par une expérience qui souleva, quand elle fut confirmée par tous les expérimentateurs, une unanime admiration. Il piqua sur un point, vers les origines du nerf pneumo-gastrique, le plancher du quatrième ventricule, et par cette piqûre il rendait les animaux diabétiques; un excès de sucre se produisait, chargeait le sang, et passait par les urines. Mais ce qui n’est pas moins admirable que l’expérience, c’est l’interprétation qu’il en fournit, à l’encontre de la pensée première qu’il avait Claude Bernard avait déjà, et dans d’autres recherches, augmenté la sécrétion salivaire et le larmoiement en excitant les origines de la cinquième paire nerveuse, en piquant ce nerf à son émergence cérébrale. Il pensait, en piquant le plancher du quatrième ventricule, exciter de même les origines du pneumo-gastrique qui innerve le foie et provoquer ainsi la sécrétion d’un excès de sucre. Il n’en était rien cependant. La section du pneumo-gastrique ne faisait pas cesser le diabète provoqué par la piqûre ; l’électrisation périphérique du nerf coupé ne modifiait aucunement la glycogénèse ; au contraire, en galvanisant le bout central, on constatait une production exagérée de sucre. L’excitation nerveuse se faisait donc par action réflexe sur la moelle épinière, et de la moelle elle passait au foie par la seule voie ouverte, celle des pneumo-gastriques étant mise de côté, à savoir par le grand et le petit splanchniques, branches du sympathique. Et comment agit cette excitation nerveuse transmise, par cette voie inattendue, au tissu hépatique? Par une suractivité de la circulation hépatique. Si l’on examine l’état des viscères abdominaux chez un animal qui a subi la piqûre da quatrième ventricule, on y voit la circulation considérablement activée. Les cellules hépatiques, foyers de matière glycogène, sont entourées d’une sorte de réseau sanguin ; la circulation devient plus active dans ce réseau, l’action sur la matière glycogène est plus énergique, la transformation sucrée plus abondante, et le sucre arrive en excès dans le sang. Il est ensuite éliminé par les urines, ainsi qu’il en est toujours lorsque la quantité du sucre dépasse d’un certain degré la quantité normalement contenue dans le sang.

Claude Bernard a produit d’autres diabètes artificiels que le précédent, entre autres le diabète par l’empoisonnement curarique. Le curare n’était-il pas devenu, entre les mains de Claude Bernard, un agent avec lequel il agissait à volonté sur le système nerveux moteur? Le système des nerfs vaso-moteurs, — et ces simples mots redisent une autre et capitale découverte, — subit l’action curarique; les nerfs vaso-moteurs de la circulation hépatique, paralysés par le