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on voit la température s’exalter d’abord localement, puis d’une manière générale.

Pour que le milieu intérieur conserve sa fixité nécessaire, il faut encore que l’animal possède des réserves qui assurent la constitution fixe de ce milieu. L’alimentation de l’animal peut varier; de ces alimens variables, l’animal doit tirer des matériaux semblables et régler la proportion qui doit en entrer dans le sang. D’après Claude Bernard, la nutrition n’est pas directe, comme l’enseignent les théories chimiques admises, mais indirecte, s’opérant par des réserves, a En un mot, dit-il, on ne vit pas de ses alimens actuels, mais de ceux que l’on a mangés antérieurement, modifiés, et en quelque sorte créés par l’assimilation. » Quel ensemble de vues profondes, et combien cette théorie des milieux, digne de porter le nom de notre grand physiologiste, jette de clartés sur le travail vivant !

Poursuivons. La vie, dès qu’elle se manifeste en actes, et quelle que soit la forme qu’elle affecte, présente nécessairement, au dire de Claude Bernard, deux ordres de phénomènes : les phénomènes de création vitale ou de synthèse organisatrice ; les phénomènes de mort ou de destruction organique. Le premier de ces deux ordres de phénomènes est sans analogues; il est particulier à l’être vivant. Cette synthèse évolutive est ce qu’il y a de véritablement vital; chez un être vivant, tout se crée morphologiquement; l’organe est créé, au point de vue de sa structure, de sa forme, de ses propriétés ; la vie, c’est la création. La destruction vitale, au contraire, est d’ordre physico-chimique, le plus souvent le résultat d’une combustion, d’une fermentation, d’une putréfaction. Ce sont de véritables phénomènes de mort.

Nous ne sommes pas frappés par les phénomènes de création vitale. La synthèse organisatrice reste intérieure, silencieuse, cachée, insaisissable dans ses procédés, rassemblant sans bruit les matériaux qui seront dépensés. Au contraire, les phénomènes de destruction ou de mort vitale sautent aux yeux et servent à caractériser la vie. Les signes en sont évidens, éclatans : quand le mouvement se produit, qu’un muscle se contracte, quand la volonté et la sensibilité se manifestent, quand la pensée s’exerce, quand la glande sécrète, la substance du muscle, des nerfs, du cerveau, du tissu glandulaire se désorganise et se consume. De sorte que toute manifestation de l’être vivant est liée à une destruction organique ; la vie c’est la mort.

Peut-être pourrait-on faire remarquer ici que ce ne sont pas ces phénomènes de mort qui sautent aux yeux, et caractérisent la vie par des signes éclatans. Ces phénomènes sont aussi silencieux et intérieurs que ceux de la synthèse créatrice. Ce qui est saillant.