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LA RELIGION DANS ARISTOPHANE.

d’invoquer leur protection pour qu’elles veillassent pendant le triste hiver sur les espérances de l’année suivante récemment confiées à la terre. Tels étaient les sentimens auxquels la fête avait dû son origine.

Ainsi les Thesmophories avaient droit à une part des éloges qu’Isocrate et Cicéron donnaient aux Athéniens à cause du culte saint qu’ils rendaient à Déméter. Elles étaient célébrées exclusivement par des femmes, dont la loi religieuse n’exigeait pas une initiation préalable ; mais pour honorer dignement la déesse mère et Thesmophore, il fallait qu’elles fussent d’origine purement athénienne, légitimement mariées à des Athéniens, de mœurs honnêtes, et qu’elles se purifiassent encore par des abstinences pendant la durée de la fête. Chaque dème choisissait, pour le représenter et pour offrir le banquet du dernier jour, deux femmes parmi les plus riches et les plus considérées. C’est donc par une dégradation comique des personnages qu’Aristophane met en scène une pauvre veuve, une brave marchande de couronnes, qui vient se plaindre qu’Euripide ruine son commerce par le succès des attaques qu’il dirige contre les dieux, et qui, après avoir achevé sa petite harangue, s’en retourne bien vite au marché pour gagner de quoi nourrir ses cinq enfans.

Si le respect des Athéniens faisait au poète une loi de respecter lui-même les déesses des Thesmophories, cette obligation était encore plus forte pour les Éleusinies, dont l’importance et la portée morale, ainsi que je l’ai montré, paraissent avoir été de beaucoup supérieures. Aussi Aristophane, dans l’imitation qu’il en fait, ne se borne pas à s’interdire toute liberté offensante à l’égard des déesses, mais il se montre plus respectueux pour la fête elle-même. Voyons en quoi consiste cette imitation, et d’abord comment la pensée lui en est venue.


IV.

On s’est demandé en effet, et la question était assez naturelle, ce que venait faire la célébration des fêtes d’Éleusis dans cette Descente de Bacchus aux enfers et dans la querelle littéraire qu’il y allait juger. L’auteur d’une bonne et intelligente dissertation qui date de quelques années, M. Wecklein, rappelle deux explications proposées par M. Herm. Ed. Meier et en préfère une troisième, qui est de lui et qui lui paraît satisfaisante. Mis sur la voie, pense-t-il, par une remarque d’un commentateur ancien qui dans un vers des Grenouilles indique, faussement d’ailleurs, une allusion à l’Hercule furieux d’Euripide, il remarque dans cette tragédie ces paroles du