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nistre des affaires étrangères, le plénipotentiaire de l’Italie à Berlin, le comte Corti, s’est cru en face d’une désillusion nationale, d’un espoir trompé, qu’il ne s’est pas senti peut-être suffisamment défendu, et il s’est retiré ; avec lui, et pour d’autres causes, pour l’inexécution d’un jugement militaire, pour des clubs de sous-officiers qu’on hésitait à fermer, se sont retirés aussi le ministre de la guerre et le ministre de la marine. Le chef du cabinet, M. Cairoli, s’est chargé des affaires étrangères à la place du comte Corti ; le général Bonelli est entré à la guerre, et au ministère de la marine est revenu un ingénieur distingué qui avait déjà fait partie du cabinet Depretis, M. Brin. Le cabinet s’est trouvé reconstitué sans trop d’éclat. Les affaires du congrès et d’obscures questions intérieures ont été le prétexte de ce remaniement ministériel ; en réalité, cette crise de quelques jours semble être la suite ou le symptôme d’un malaise plus profond, d’une situation générale qui n’est ni simple ni facile.

Ce n’est pas que le ministère italien tel qu’il existait hier, tel qu’il existe aujourd’hui, ait rien fait pour provoquer de vives hostilités. Les programmes exposés dans de récens discours prononcés par M. Cairoli à Pavie, par le ministre de l’intérieur, M. Zanardelli, à Iseo, ces programmes n’ont certes rien d’alarmant, et les cabinets de la gauche, depuis qu’ils sont aux affaires, n’ont pas ménagé les témoignages de leur attachement à la monarchie. Le président du conseil, M. Cairoli, est un galant homme qui trouve des sympathies même parmi ses adversaires. La situation n’est pas moins grave, et elle deviendra peut-être critique à la rentrée des chambres. Le ministère, sans pouvoir compter sur l’appui de l’ancienne majorité libérale et conservatrice, devenue minorité, va rencontrer en outre l’opposition de quelques-uns de ses anciens amis, M. INicotera, M. Crispi, qui lui ont déclaré une guerre acharnée. Il a divers projets à présenter, des réformes financières, une réforme électorale qui étendrait le droit de vote et porterait le nombre des électeurs d’un demi-million à un million et demi ; mais pourra-t-il aller jusqu’au bout ? ne disparaîtra-t-il pas, comme tous ses prédécesseurs, dans quelque échauffourée de parlement ? Il est clair que cette expérience des ministères de la gauche, qui se poursuit depuis deux ans, n’a pas eu jusqu’ici un brillant succès. On arrive à une sorte d’impuissance par la confusion des partis, et si les incidens parlementaires, le vote de la réforme électorale, déterminaient un appel prochain au pays, la question est de savoir ce qui sortirait de ce nouveau scrutin, où seraient en jeu tous les intérêts de l’Italie.

CH. DE MAZADE.


Le directeur-gérant, C. Buloz.