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L’ÎLE DE CYPRE.

Des flancs de cette belle et large montagne descendent, dans tous les sens, des vallées qui ont plus d’ampleur et de développement que celles de la chaîne septentrionale et qui laissent, dans leur partie inférieure, plus de place à la culture. En maint endroit, les contre-forts de l’Olympe s’abaissent en pente douce vers la mer ou bien, entre leurs derniers escarpemens et la grève, l’émiettement de leurs flancs et les apports des eaux ont créé une ! bande de plaine assez large et assez fertile pour que l’homme ait envie de s’y établir et y trouve toutes ses aises. Cette région possédait jadis plusieurs des cités les plus célèbres de l’île, Kition, Amathonte, Curion, l’ancienne et la nouvelle Paphos. On y rencontre encore aujourd’hui des villages populeux et prospères. Le sol caillouteux et léger de ces versans, exposés au midi, est surtout merveilleusement propre à la culture de la vigne.

Le climat de l’île a été très diversement jugé par les voyageurs, suivant qu’ils ont visité l’île dans telle ou telle saison. Il offre en effet des contrastes très tranchés, qui expliquent des appréciations fort différentes. Un tiers environ de l’année, de la mi-octobre à la fin de février, est très pluvieux ; les pluies y durent parfois, sans interruption, comme dans les contrées tropicales, pendant de longs jours de suite. Vient ensuite un printemps dont l’éclat, le charme et la fraîcheur ont laissé de profonds souvenirs à tous ceux qui ont parcouru les campagnes de Cypre entre les premiers jours de mars et le milieu de juin ; le rapide essor de la végétation est favorisé par de chaudes ondées qui viennent encore de temps en temps modérer les ardeurs du soleil. En juin, les pluies cessent, et l’on est parfois plus de quatre mois sans voir tomber une seule goutte d’eau[1]. Les chaleurs sont alors écrasantes, surtout dans la grande plaine centrale, où les brises de mer, arrêtées par la barrière des montagnes, ne font pas pénétrer leur souffle rafraîchissant. Il fait, assure-t-on, malgré la différence de latitude, plus chaud l’été dans la Mesoria que dans la basse Égypte, à Nicosie qu’au Caire. La chaleur est tempérée, dans la vallée du Nil, par l’abondante évaporation qui se produit à la surface du grand fleuve et par le courant d’air qui règne entre ses berges. Ici rien de pareil : le vent du nord même, quand il a passé sur les arides plateaux de l’Asie-Mineure, arrive sec et brûlant ; les vents de l’est et du sud ne se sont pas moins échauffés en courant sur les déserts de la Syrie et sur ceux de l’Afrique. C’est donc, presque constamment, sous une haleine embrasée comme la vapeur qui sort de la bouche d’un four, une sécheresse affreuse. Plus d’eau dans le lit des rivières ;

  1. D’après M. Lang, l’Île ne reçoit, année moyenne, que le tiers de la quantité de pluie qui tombe en Syrie. Il a été témoin, en 1869, d’une affreuse disette causée par la sécheresse. Dans toute l’année, il n’était tombé, au total, que 14 centimètres d’eau.