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de ces comédies, il y a une facilité naturelle incontestable. Ce qui manque à Boursault et ce qui lui manquera toujours, c’est la difficulté acquise.

Cette aisance, cette souplesse, ce tour aimable et gai (à part les licences imitées de Scarron), que présentent ses premiers écrits, devaient être plus visibles encore dans sa personne. Vers 1660, on le trouve secrétaire des commandemens de la duchesse d’Angoulême, et commençant déjà avec les grands seigneurs du temps ce commerce épistolaire qui sera une des grandes occupations de sa vie. Complimenteur, trop enclin à rechercher le prix de ses complimens, il n’est pas cependant de la race des flatteurs à gages. Ceux-là on les paie, on ne les estime point; Boursault, dès le premier jour, inspira la sympathie et l’estime. Ses patrons les plus illustres le traitent avec amitié. On aime sa bonne grâce, sa bonne humeur, l’honnêteté de ses relations, l’indépendance naïve de son caractère. Il a reçu quelque libéralité de Fouquet par l’entremise de Pélisson : après la chute du surintendant, il leur reste fidèle à tous deux. La première des lettres de Boursault est un hommage à Pélisson, défenseur de Fouquet. On y trouve des passages comme celui-ci : « Quelle foule de gens suivaient le pauvre monsieur Fouquet dans sa fortune, qui, dans sa disgrâce, n’ont pas fait semblant de le connaître, ou qui ne l’ont connu que pour rendre son malheur plus grand!... Le personnage que vous avez fait dans son malheur est plus glorieux pour vous que celui que vous faisiez dans sa prospérité, et quoique vous fussiez le canal par où coulaient les grâces dont on peut dire qu’il était la source, il y a bien plus de grandeur d’âme à l’avoir servi quand il a été abandonné de la fortune que lorsque la fortune le suivait. »

Elle est très longue et très honorable, cette liste des protecteurs de Boursault : au premier rang, voici le duc de Montausier, l’austère Montausier, l’homme au jugement libre et aux rudes paroles, celui qui eût été fier de se voir reconnu dans l’Alceste de Molière, celui dont Boileau s’est efforcé de désarmer la rigueur; Montausier appréciait singulièrement le caractère de Boursault. Lorsqu’il eut le malheur de perdre sa femme, Boursault lui adressa ses complimens de condoléance et en reçut la réponse que voici :


De quinze ou seize cents lettres qui m’ont été écrites sur la mort de Mme de Montausier, je n’en ai point reçu, monsieur, qui m’ait plus donné de consolation que la vôtre. Il est vrai, comme vous me le mandez, qu’elle se faisait beaucoup de plaisir d’obliger toutes les personnes de mérite; et si elle eût vécu plus longtemps, vous ne devez point douter que vous n’eussiez été de ce nombre. C’est un malheur pour vous