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il rendit d’utiles services et fut, à son retour, désigné par le gouvernement pour le tracé des frontières indiennes. Quand éclata la guerre de sécession, Fernand, dont toutes les sympathies étaient du côté du sud, donna sa démission et attendit les événemens. La lutte terminée, il aida son cousin à liquider les affaires de la succession paternelle et consentit à l’accompagner, séduit par la perspective d’un voyage avec George Willis dont il appréciait les qualités sérieuses et auquel il portait une affection toute fraternelle.

Fernand ne s’était pas trompé dans ses calculs nautiques, et le surlendemain à la pointe du jour le brick mouillait en rade de Sisal, à l’extrémité nord de la presqu’île du Yucatan.

En temps ordinaire. Sisal, le second port du pays après Campêche, est aussi totalement dépourvu d’intérêt que de navires. Du pont du Montezuma on apercevait des terres basses, sablonneuses, plaquées çà et là d’une végétation rabougrie. Les pluies abondantes des derniers mois avaient converti la plaine environnante en un vaste marais d’où surgissaient de rares îlots couverts d’herbe. Dans le lointain, par delà le port, d’immenses forêts dessinaient une ligne continue de feuillage qui fermait l’horizon. La chaleur était étouffante, les rayons du soleil pompaient l’humidité, et une vapeur miroitante et confuse s’élevait lentement de la plaine surchauffée.

— Sisal promet, dit George Willis, accoudé sur le bastingage.

— Mais oui, ce paysage ne manque pas d’originalité. Il ne ressemble à rien de ce que nous avons vu jusqu’ici.

— M’est avis que le pays mérite sa réputation d’être un des plus fiévreux qu’il y ait, sur la côte du moins. Si tu m’en crois, nous ne ferons pas long séjour à Sisal, et nous nous hâterons de gagner Mérida.

Les jeunes gens donnèrent l’ordre de débarquer leurs bagages, et pendant que l’on procédait à cette opération assez compliquée grâce aux approvisionnemens commandés par George Willis, qui n’avait qu’une médiocre confiance dans les ressources locales, ils se rendirent à Sisal où leur présence ne laissa pas de faire une vive impression sur la population. On n’avait depuis longtemps vu d’étrangers si bien mis ; ils n’étaient ni marins ni acheteurs d’écaillés, ils semblaient disposés à payer un bon prix pour ce qu’ils demandaient ; aussi en moins d’une heure se furent-ils procuré une caleza pour eux et deux caretas pour leurs bagages. On entassa sur ces dernières les malles, les caisses de provisions, vivres, conserves, et à neuf heures du matin, la caravane s’ébranla à la grande admiration des oisifs, c’est-à-dire des six cents habitans de Sisal, dont quelques blancs, nombre de mestizos ou métis, et une grande majorité d’Indiens mayas.

Dans l’après-midi, nos deux voyageurs arrivaient à Mérida et se