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peuple ou de la république, » advocati reipublicœ vel populi, qui sont devenus plus tard « les advoués » des communes et des églises au moyen âge ; « les défenseurs des municipes, » defensores municipiorum, « les patrons des colonies, » patroni coloniarum, « les orateurs des villes, » oratores urbis ; on vante leur intégrité, leur dévoûment, leur fermeté, leur éloquence ; on exprime sous toutes les formes la reconnaissance publique ; ceux d’entre eux qui se sont distingués par le nombre et l’éclat de leurs ambassades, ceux qui ont rendu gratuitement ce grand service à l’état, reçoivent pour récompense, non pas un simple décret de la curie, mais l’insigne honneur d’une statue en marbre ou en bronze doré votée par le peuple et payée par le trésor. Le piédestal de ces statues est couvert d’éloges, dont la vivacité atteste encore aujourd’hui l’enthousiasme que ces orateurs avaient excité. Quoi qu’en dise l’auteur du Dialogue, le nom d’orateur n’a disparu ni de la langue littéraire ni de la langue politique ; les inscriptions nous le présentent aussi souvent que celui de patronus causarum et de causidicus. Tantôt il est seul et s’emploie absolument, tantôt il se joint à d’autres titres qui l’expliquent. Certains personnages sont loués à la fois de leur talent oratoire et de leurs facultés poétiques ; il est des inscriptions trouvées dans les sables d’Afrique, sur le bord des sources où jadis s’élevaient des cités, qui comparent l’éloquence abondante des orateurs aux flots limpides et bienfaisans de la fontaine voisine. Nous voyons, au IIIe siècle, un de ces orateurs africains soulever le peuple contre le tyran Maxime par un discours que Capitolin nous a conservé. Ce ne sont pas seulement les orateurs de profession qui sont cités dans les inscriptions ; si quelque magistrat, quelque légat ou proconsul, quelque général brille par son éloquence, on a soin d’en informer la postérité. Le sénat et le peuple romain, en 334, votent une statue dorée à un préfet de Rome qui s’était montré censeur intègre et qui joignait à tous ses mérites l’art de bien parler.

Dans les camps où fermentaient les passions et les ambitions politiques, où se faisaient et se défaisaient sans cesse les gouvernemens, l’ascendant de la parole croît à mesure que le désordre augmente et que la discipline militaire s’anéantit. Les empereurs sont des chefs de parti, des factieux parvenus qui ont besoin d’agir sans relâche sur leurs adhérens pour apaiser les exigences, stimuler les dévoûmens, prévenir les trahisons ; leur rhétorique, verbeuse et tribunitienne, pleine de tirades, qu’un historien compare au son du clairon, est accueillie par des manifestations immodérées. Les soldats s’agitent, crient, gesticulent à la façon des multitudes démagogiques ; leur violence rappelle le tumulte des scènes