Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/728

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
I

L’instruction primaire est la partie où se porte aujourd’hui l’effort principal. Pour celui qui a longtemps rêvé et souhaité le bien qui ne venait pas, c’est un sentiment nouveau de voir tout à coup le mouvement se prononcer et le progrès s’effectuer de divers côtés à la fois. Le navire, toujours ballotté, toujours rejeté à la côte par les vents contraires, enfin met à la voile ; il ne reste qu’à lui souhaiter un heureux voyage. Cependant plus d’une grande question est encore en suspens. La première est celle de l’enseignement obligatoire. On a quelquefois reproché à la France d’être une nation impatiente qui veut recueillir avant d’avoir labouré et semé, qui ne se donne pas le temps de préparer les moyens par lesquels s’exécutent et réussissent les grandes entreprises. Sans vouloir examiner si ce reproche est fondé en général, nous croyons que sur ce point particulier personne ne l’adressera à la France. Non-seulement l’opinion est préparée depuis longtemps, mais avant de proclamer l’obligation, qui, en d’autres pays, n’a pas eu à subir un si long stage, toutes les mesures préliminaires qu’on pouvait désirer ont été prises : on a mis des fonds à la disposition des communes pour construire et pour multiplier les bâtimens scolaires ; la gratuité est de droit pour les familles indigentes ; l’institution de la caisse des écoles dispense les parens pauvres des menus frais nécessités par l’école. Enfin le corps des inspecteurs primaires, qui existe depuis quarante ans, est un personnel tout trouvé pour tenir la main à l’exécution de la loi : le nerf de l’obligation, il ne faut pas l’oublier, est dans la constatation régulière et dans la punition certaine des absences.

Sur ce chapitre des punitions infligées aux parens, il faut s’attendre à rencontrer dans nos assemblées les mêmes scrupules qui se sont fait jour à chaque progrès de l’instruction, et qu’ont souvent éveillés des innovations qui aujourd’hui paraissent toutes simples. Ainsi personne ne s’étonne de voir les instituteurs toucher leurs appointemens en la même forme que tous les autres fonctionnaires. Ce fut pourtant un point qui, lors de la discussion de la loi de 1833 dans la chambre des députés, souleva des objections. M. Dupin aîné quitta son fauteuil de président pour faire part à l’assemblée de ses craintes. Il connaissait les mœurs du pays : payer le maître d’école par l’intermédiaire du percepteur, cela ferait haïr l’instituteur et déserter l’école. « Qu’arrive-t-il le plus souvent dans les campagnes ? C’est qu’on n’a pas la facilité de payer en argent l’instituteur primaire, et que l’on convient, à prix défendu, qu’on