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que chaque ville contribuerait par un apport annuel de vaisseaux ou d’argent aux dépenses d’armement qui seraient jugées nécessaires. Cet apport prit le nom de phoros. Ce fut un tribut régulier que la flotte athénienne dut aller chaque année récolter d’île en île. Cette coutume s’est prolongée à travers les siècles, sous l’empire de Byzance, comme sous celui de Mahomet II. Il n’y a pas soixante ans qu’on eût pu voir les capitans-pachas parcourir ainsi, dès les premiers jours du printemps, les deux archipels des Cyclades et des Sporades pour exercer, à l’exemple des hellénotames, leurs fonctions de collecteurs de taxes. Fixé au début à 2 millions 1/2 de francs environ, le phoros fut d’abord déposé dans le temple de Délos. Les délégués des alliés s’assemblaient à des époques déterminées d’avance dans cette île, et y réglaient d’un commun accord l’emploi du subside. Ce contrôle dura peu. Le trésor de Délos ne tarda pas à être transporté dans Athènes, et la contribution volontaire devint un impôt que les Athéniens, plus impitoyables dans leurs exigences que ne l’eût probablement été Xerxès, continuèrent de percevoir avec une extrême rigueur. De tous les jougs qu’un peuple peut subir, le plus dur est, sans contredit, celui que parvient à lui imposer un autre peuple. La Nouvelle-Angleterre n’eût peut-être jamais songé à se révolter, si l’autorité du parlement ne se fût substituée dans les colonies britanniques au gouvernement direct de la couronne.

Les mécontentemens des alliés, traités par l’arrogance d’Athènes bien moins en égaux qu’en sujets, éclatèrent d’abord en murmures, puis bientôt en réclamations ; le jour vint où ils se manifestèrent par un refus absolu de paiement. C’était là qu’Athènes, déjà sûre de ses forces, tranquille et fière à l’abri de la haute enceinte qu’elle venait de relever, attendait les auxiliaires dont elle avait plus d’une fois gourmande la tiédeur. Quelle occasion meilleure d’asseoir solidement sa puissance ? La rébellion ouverte allait autoriser et, en quelque sorte, justifier l’exploitation sans merci. L’île de Naxos revendiqua la première son indépendance, et l’île de Naxos fut la première envahie et soumise. La plupart des îles de l’Archipel, successivement coupables du même déni de concours, éprouvèrent l’une après l’autre le même sort. La mollesse s’en mêla. Il parut doux à ces heureux Ioniens de ne pas quitter leurs foyers, d’échanger les périls du service militaire pour une redevance en argent. Bien peu d’îles continuèrent à fournir des vaisseaux ; presque toutes se rachetèrent de cette obligation par l’offre équivalente d’un subside. C’est ainsi que le phoros se trouva porté, en premier lieu, à 3,336,000 francs pour atteindre, en dernier ressort, au chiffre vraiment énorme à cette époque de 6,672,000 francs.