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l’action aux jeunes gens, le conseil aux vieillards ; c’est ainsi que Rome a conquis le monde. A Sparte comme à Rome, on faisait profession d’honorer la vieillesse ; je doute qu’en cette circonstance on ait tenu un compte suffisant de son avis.

La guerre fut votée à Lacédémone par acclamation. On la vota, s’il est permis d’emprunter à nos habitudes parlementaires leur langage, au scrutin de division. Ceux qui jugèrent que la paix était rompue passèrent d’un côté, ceux qui voulurent exprimer l’opinion contraire se portèrent du côté opposé. Les alliés convoqués ratifièrent la décision de Sparte. Cédant à un entraînement funeste, conduite par d’impétueux conseils, contre lesquels il eût été inutile et peut-être imprudent de vouloir réagir, la Grèce, au printemps de l’année 432 avant notre ère, se trouva tout à coup partagée en deux camps ennemis. Les Argiens et les Achéens gardaient seuls une neutralité attentive. Du côté des Lacédémoniens figuraient tous les peuples du Péloponèse, les Mégariens, les Phocéens, les Locriens, les Béotiens, les habitans d’Ambracie, de Leucade et d’Anactorium, aujourd’hui Vonitza. Athènes avait pour elle Chio, Lesbos, Platée, Naupacte, l’Acarnanie, Corcyre, Zacinthe, la Carie maritime, l’Ionie, l’Hellespont, la presqu’île de Thrace, les Cyclades, à l’exception de Milo et de Santorin.

Il ne restait plus qu’à poser aux Athéniens un ultimatum. Les alliés demandaient la levée immédiate du siège de Potidée ; ils exigeaient en outre qu’Athènes rendît l’indépendance à Egine et rapportât le décret qui interdisait aux citoyens de Mégare, avec l’accès des marchés de l’Attique, celui des ports soumis à la domination athénienne. Ces propositions hautaines furent rejetées, et elles devaient l’être. « Si nous cédons cette fois, avait dit Périclès aux Athéniens convoqués pour en délibérer, nous n’éviterons pas pour cela les calamités de la guerre ; notre faiblesse n’aura fait qu’encourager de nouvelles injonctions. Examinez bien aujourd’hui ce que vous voulez résoudre. Il ne faut pas qu’un jour, portant vos regards en arrière, vous éprouviez le regret d’avoir renoncé à la paix pour un motif futile. »

L’isthme de Corinthe était le rendez-vous assigné aux alliés de Sparte. Investi du commandement militaire, de concert avec neuf autres généraux, Périclès pressentit la prochaine invasion de l’Attique et ne s’en effraya pas. Il conseilla aux Athéniens de livrer leurs campagnes aux ravages de l’ennemi, de se renfermer dans l’enceinte fortifiée d’Athènes et de placer leur espoir dans les trois cents trières rassemblées au Pirée. Maîtresse de la mer, cette flotte serait le gage de la fidélité des alliés de la république. Tant qu’Athènes aurait des alliés fidèles, l’argent ne lui manquerait pas pour solder les dépenses de la guerre.