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le but de leurs recherches. Quel avait été le résultat de l’explosion ? Il l’ignorait. Que dirait-il à dona Mercedes, que répondrait-il aux reproches de Carmen ? Ne devait-il pas les aviser du danger de son cousin ? Il ne pouvait douter de leur dévoûment, et dans ces circonstances graves leur concours ne lui ferait pas défaut. Toutes deux comprenaient et parlaient le maya. Itza leur donnerait peut-être des indications qu’il n’en pouvait obtenir. Il hésitait. Cependant la fièvre augmentait, le blessé s’agitait sur son lit et murmurait des paroles incohérentes. George écouta. A plusieurs reprises il entendit son nom, puis celui de Mercedes. Si faiblement que Fernand l’eût prononcé, Itza se leva et vint à lui. Son regard était si triste et si découragé que George se sentit envahi lui-même par une douleur profonde, et ses yeux se remplirent de larmes.

Quand il les releva, il crut rêver. Devant lui, debout dans l’embrasure de la porte, Mercedes et Carmen, pâles et graves, contemplaient cette scène, ce lit défait et ensanglanté, ces deux jeunes gens, l’un mourant, l’autre écrasé par le chagrin, l’Indienne étudiant anxieusement les traits contractés et livides du blessé. Un mouvement de George éveilla l’attention d’Itza ; elle aperçut les deux sœurs. Leur présence ne parut pas l’étonner, et elle leur fit signe d’approcher. Mercedes vint s’asseoir au chevet de Fernand, Itza lui prit la main et, la posant doucement sur le front du blessé, elle attendit.

Un silence profond régnait dans la vaste pièce éclairée par un demi-jour mystérieux. Au dehors, les grands arbres tamisaient la lumière qui filtrait par la porte étroite. A l’intérieur, les sculptures étranges, les animaux fantastiques, les figures humaines profondément découpées dans l’épaisseur des murailles, la haute voûte qui s’enfonçait dans l’obscurité, semblaient projeter une ombre mélancolique sur cette heure solennelle. L’attitude de l’Indienne trahissait une anxiété que partageaient ses compagnons. La main de Mercedes tremblait sur le front de Fernand, dont la poitrine haletante se soulevait avec effort et s’affaissait lourdement comme si chaque aspiration devait être la dernière. Un de ses bras pendait hors du lit ; instinctivement, Mercedes prit cette main froide. Les doigts du blessé se crispèrent comme pour prolonger cette étreinte, puis elle sentit une détente dans la tension des muscles. — Mercedes ! murmura le blessé. — Elle rougit ; son regard ému suivit le mouvement de ses lèvres esquissant encore le nom qu’elles ne pouvaient prononcer.

Était-ce la fin ? Ils le crurent. Carmen, inclinée au pied du lit, détourna la tête. Une larme de Mercedes vint tomber brûlante sur la main de Fernand, qui tressaillit. Sa respiration, moins oppressée, devint plus égale, ses traits contractés reprirent leur expression.