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qu’elle, il lui révélait ce qu’elle avait vainement cherché. Avec quelle netteté il traçait l’itinéraire suivi ; ces chiffres inconnus, ces lettres mystérieuses qui l’avaient tant préoccupée, il les expliquait et en faisait jaillir une preuve irrécusable en faveur de son père. Une lueur brillante éclairait cette tragique histoire, et c’était lui encore, lui Fernand, qui dissipait enfin les dernières ombres. — Oui, c’est bien cela, dit-elle. Mais comment avez-vous pu deviner...

— Je vous aime, Mercedes. — Elle se tut.

George et Carmen les rejoignaient, Carmen silencieuse et grave ; quant à George, son flegme habituel l’avait abandonné. Il échangeait avec dona Carmen des regards d’intelligence, il se levait, s’asseyait, ne pouvait rester en place. — Dona Carmen, dit-il, parlez, le temps presse.

Elle fit part alors de la pensée qui leur était venue et de son récent entretien avec Itza. Lui rappelant le dévoûment de Fernand, qui avait risqué sa vie pour la sauver, elle l’avait adjurée de leur dire si elle savait quelque chose. Vaincue par les pressantes prières de Carmen, Itza leur avait raconté qu’un étranger, un blanc, était débarqué, trois ans avant, dans une anse près d’Uxmal. Il paraissait familier avec les localités, et elle l’avait vu avec surprise s’engager dans un souterrain dont elle croyait connaître seule l’existence et qui aboutissait au Palais du Nain. Il portait avec lui une valise. Plus tard, elle le vit descendant du monticule, mais il ne tenait plus rien à la main. Il l’avait observée avec défiance d’abord, puis s’était adressé à elle en langue maya qu’il parlait imparfaitement. Elle réussit pourtant à comprendre qu’il désirait gagner le port de Campêche et lui demandait de le guider. Elle accepta. Leur voyage dura huit jours ; l’étranger était affaibli, malade et les fièvres le prirent. Arrivé à Campêche, il était épuisé ; elle lui fit donner l’hospitalité chez des Indiens qu’elle connaissait, et le soigna avec dévoûment, car il était bon. Le voyage l’avait tellement éprouvé que les fièvres l’achevèrent ; il mourut. Avant sa mort, il confia une lettre à Itza en lui faisant promettre de la remettre à un capitaine de navire, son compatriote, qui venait quelquefois le voir à la nuit. Les Indiens inquiets prévinrent alors le consul des États-Unis. Une enquête eut lieu ; on trouva sur lui un papier que le consul garda et auquel il paraissait attacher une grande importance, car il expédia une goélette pour le communiquer à l’amiral américain qui bloquait Charleston. Itza ne parla pas du dépôt qui lui était confié. Quelques jours après, le capitaine revint. Elle lui remit la lettre et ne le revit plus. Interrogée comment elle avait retrouvé l’étranger sur le monticule, elle dit qu’il existait une issue près de la statue du nain et qu’elle la leur indiquerait.