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combustions organiques et de chaleur produite, cela est manifeste. Le système nerveux ne saurait fonctionner sans que la matière qui le forme entre en action ; mais cette action n’est pas la véritable cause de son fonctionnement. Elle n’en est que la condition ; cela est si vrai qu’elle peut produire son effet mécanique, physique ou chimique sans que le système nerveux s’ébranle lui-même et se mette à fonctionner.

Bien d’autres faits viennent contredire la thèse qui réduit tout le jeu du système nerveux, et en particulier l’acte réflexe, à une simple transformation du mouvement. Comment expliquer par cette théorie le phénomène si connu du chatouillement ? Que devient la loi mécanique de la proportionnalité dans ce phénomène, où l’effet est en raison inverse de l’action ? Plus le chatouillement sera délicat, plus la réaction de tout le système moteur sera intense. Si les attouchemens, au lieu d’être fugitifs et légers, augmentent de force et de. durée, ils perdent de leur vertu convulsive, loin de déterminer une action proportionnelle à leur force. Combien est léger le chatouillement de la pituitaire qui va provoquer l’ébranlement subit et violent de tout le système respiratoire ! Cet enfant, chez qui la présence de vers intestinaux provoque des convulsions, cet homme qui, portant un ténia, est pris d’accidens épileptiques, ne sont-ils pas des exemples d’une disproportion incommensurable entre le mouvement physique communiqué et l’excitation sensitive et motrice ? « Si l’arc nerveux, disait Gratiolet, n’était qu’un simple conducteur, l’énergie de la réaction, n’étant modifiée par l’intervention d’aucun agent particulier, serait nécessairement proportionnelle à l’énergie de la stimulation. Mais l’expérience démontre qu’il n’en est pas ainsi ; une réaction forte peut suivre une stimulation faible, et, réciproquement, à une stimulation faible peut, dans certains cas, succéder une réaction puissante[1]. » N’est-ce point affirmer la spontanéité des actions réflexes ? Cette spontanéité, qui se cache au fond de ces actes, n’échappe point à l’observation du physiologiste pour lequel le mouvement brut n’est pas la seule chose à observer. Un mouvement physique communiqué et transmis n’a pas de but spécial ; il n’est que le moment d’une éternelle et indifférente circulation. L’acte réflexe a un but, la conservation et la défense contre les agressions hostiles, de caractère avait frappé Prochaska, le créateur de la science des mouvemens réflexes. « La condition générale qui domine la réflexion des impressions sensorielles sur les nerfs moteurs, c’est l’instinct de la conservation individuelle. » Il est vrai que la physiologie, mécaniste proteste

  1. La Vie, p. 276.