Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/896

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Wollo-Galla, au nord du Choa proprement dit. Le Wâdi, qui se jette dans le Nil Bleu, sépare les deux pays ; mais les possessions du roi s’étendent jusque dans le Edjou au-delà du Bachilo qui coule au pied de la forteresse de Magdala. Depuis plusieurs années déjà Minylik avait soumis à son empire tous ces vastes territoires ; seul Imamou Ahmédé tenait encore. C’était un prince galla musulman, à qui les Anglais en partant avaient cédé Magdala ; réduit à cette place unique, il s’y retirait quand il était menacé ; à peine l’ennemi avait-il le dos tourné, il descendait des hauteurs et faisait des razzias dans la plaine pour se ravitailler. Toutefois, sentant trop bien son infériorité, il appelait à son aide les Égyptiens et les Anglais ; aucun secours ne lui vint, et Magdala finit par tomber au pouvoir de Minylik au mois de juillet 1876, pendant que M. Arnoux retournait en Europe.

La résidence royale à Woreillou est située sur un haut plateau et entourée de gros murs crénelés où s’ouvrent deux portes d’entrée, l’une au nord et l’autre au sud ; ces murs renferment le palais du roi, le tribunal où il rend lui-même la justice en dernier ressort, de vastes magasins et les logemens nécessaires pour le personnel de service, toujours fort considérable ; au point le plus élevé du plateau se dresse un olivier gigantesque, portant toute l’année des fleurs et des fruits : c’est une ancienne idole des Gallas ; aucun prince ni général ne loge la nuit dans cette enceinte. C’est là pourtant, et tout à côté de la demeure royale, que par la volonté de Minylik une habitation avait été préparée pour son hôte. Autour de l’enceinte une armée permanente de plus de quarante mille hommes, et composée presque également de cavalerie et d’infanterie, formait avec son campement comme une grande ville ; les soldats étaient armés de fusils de chasse, la plupart très ordinaires, de fusils à mèche et de fusils à piston de divers systèmes ; une bonne moitié de ces hommes étaient des Gondariens, commandés par Ato Manguecha, natif lui aussi de Gondar.

M. Arnoux approchait de Woreillou, quand un courrier se détacha de l’escorte pour aller prévenir le roi ; bientôt après, un corps de fusiliers, commandés par Ballan Barras Iffou, vint à sa rencontre et lui servit de cortège jusqu’à la demeure qui lui avait été préparée. Dès le lendemain Minylik le fit appeler ; le roi était seul et paraissait joyeux ; il était en train de jouer avec deux jeunes lions qui, à l’entrée d’un inconnu, se mirent à grincer des dents et à froncer le museau d’une façon fort peu rassurante ; on dut les congédier. La conversation se prolongea entre le roi et son hôte pendant plus, de deux heures.

M. Arnoux pouvait être fier des résultats que lui avait déjà valu sa conduite habile et franche à la fois. Par nature l’Éthiopien est