Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 30.djvu/906

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

imparfaitement d’une croûte crevassée d’une argile blanche et bitumineuse. Vers le nord, à une distance de 4 à 5 kilomètres de marche, elle reparaît encore à fleur de terre. N’étant ni un savant ni un géologue, je fis un essai que le bon sens m’indiquait : je brisai des fragmens du minerai que je mouillai, je les jetai au feu de charbon de bois que deux petits soufflets en peaux de bouc faisaient flamber. Une flamme bleue mêlée de petites paillettes en sortit, ce qui m’indiquait que la houille était plus ou moins alliée au fer. Quand tout fut consumé, je retirai du feu une escarbille ayant la figure d’une éponge très légère.

« Jeudi 3 juin. Arrivé hier soir à Ankobar, je suis logé dans la maison même du roi ; par un pieux et touchant usage, tous les anciens serviteurs de la famille royale, devenus incapables, vivent retirés ici aux frais du roi, auprès des tombeaux de leurs anciens maîtres. C’est aussi le siège du haut clergé éthiopien. Ankobar est bâtie en amphithéâtre sur le penchant d’une colline que domine le palais du roi, remarquable par ses vastes dimensions ; avec ses toits coniques, entremêlés de frais jardins, on dirait d’une agglomération de ruches perdues dans la verdure. J’ai visité les tombeaux des rois de Choa, entretenus avec un soin pieux ; ce sont tout simplement des maisons cylindriques, faites de terre et de bois, coiffées d’un chapeau de chaume, entièrement semblables à celles où logent les vivans ; au centre, un monument en maçonnerie carrée contient les restes du prince défunt ; les murs sont couverts de peintures historiques ou religieuses assez primitives. Ainsi j’ai remarqué, dans la salle funèbre de Sahlé Sallassi, un cheval vert, du plus beau vert ; sans doute l’artiste n’avait que cette couleur à sa disposition et il n’a pas voulu s’arrêter pour si peu.

« Le roi, comme on sait, avait donné ordre de réunir des marchandises et d’organiser une caravane à son compte ; c’était une innovation pour le pays ; jusqu’alors on se bornait à faire des commandes aux marchands musulmans. A mon retour à Litché, Azadj Woldé Tsadek me consigne de grandes quantités de café, de cire, d’ivoire et de peaux de bœuf ; je prends aussitôt cent femmes pour trier le café, en même temps je m’occupe d’épurer la cire, au grand étonnement des indigènes, qui n’avaient jamais vu pratiquer cette opération. Quant à l’ivoire, on l’enferme dans les magasins, en attendant le moment de l’emballer.

« Mercredi 16 juin. Je suis en voyage depuis trois jours dans les pays Gallas, me rendant à Finfini ; nous passons près de Rogué, ville presque complètement musulmane, marché important de café. Sur la route nous rencontrons des marchands musulmans aux allures suspectes ; je m’aperçois que ce sont des trafiquans d’esclaves ; ils tramaient après eux cinq malheureuses créatures volées sur les