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ces contrées n’augmenteraient-elles pas dans ces nouvelles conditions ? Pour ne citer qu’un exemple entre plusieurs, il y a là des mines très riches. Les raïas ne les exploitent pas de peur des impôts et des exactions plus ou moins déguisées des Turcs. Les statistiques prouvent que la Grèce, malgré son sol infertile et sa population clairsemée, a beaucoup gagné depuis son affranchissement au point de vue agricole, industriel et commercial. De plus grands et de plus rapides progrès ne se manifesteraient-ils pas dans les nouvelles provinces où le sol est plus riche et la population plus dense ? Il n’est pas permis d’en douter, surtout si on songe que la Grèce a commencé sa métamorphose quand elle était ruinée par quinze années de guerre, tandis que l’Épire et la Thessalie commenceraient cette métamorphose en pleine paix, et passeraient sans secousse de l’oppression à la liberté.

Ce qui a été dit de l’Épire et de la Thessalie, il faudrait aussi le dire de la Crète. Dans l’île comme sur le continent on trouve la même race grecque, le même sol fécond, mais frappé de stérilité par l’esclavage, la même administration maladroite et tyrannique, les mêmes révoltes dans le passé, les mêmes plaintes dans le présent, le même sang répandu en vain, les mêmes vœux, les mêmes droits d’être réunis à la mère patrie. Mais il ne s’agit pas maintenant de la Crète, et encore moins de la Macédoine et de la Thrace qui sont aussi des provinces grecques. Il n’est pas même question de la totalité de la Thessalie et de l’Épire. La Grèce borne ses revendications présentes aux limites mêmes indiquées par le congrès de Berlin : la Thessalie jusqu’à la ligne du Salamvrias, l’Épire jusqu’à celle du Calamas. C’est à peine la moitié de ces deux provinces, mais c’en est aussi la partie la plus riche et la plus peuplée. La Grèce gagnerait à cette annexion environ trois cent mille âmes, le port de Volo, les villes de Larisse, d’Arta et de Janina.

Le gouvernement turc paraît à peu près résigné à cette cession de territoire, mais on peut s’attendre à tout de la prétendue bonne foi de la diplomatie ottomane. Il semble d’ailleurs qu’il y aura une vive opposition de la Porte à céder Janina, chef-lieu du vilayet de l’Épire. D’autre part les commissaires helléniques ne voudront pas renoncer à la possession de cette ville, qui, par sa situation géographique, est comprise dans les nouvelles frontières fixées par le congrès et qui est une cité purement grecque. Janina, où vont étudier les jeunes gens de l’Épire et de la Thessalie, est le foyer de l’hellénisme dans ces contrées ; ses habitans, qui ont toujours les yeux tournés vers la Hellade, sont renommés pour les dons et les legs qu’ils font aux établissemens publics d’Athènes. Les mauvaises raisons ne manqueront pas aux diplomates turcs. Ils feront entre autres valoir celle-ci, que la Grèce ne réclame aujourd’hui que le