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rhétorique s’est un peu rétréci, grâce à Dieu ; celui de l’érudition et de l’analyse s’est au contraire singulièrement élargi. Et ce n’est pas seulement dans l’ordre des lettres que cette transformation s’est opérée ; l’enseignement scientifique lui-même en a ressenti les bienfaisans effets ; il est devenu plus sévère. Jadis, à l’exemple et sur les traces d’hommes éminens dont le souvenir est encore dans tous les esprits, il avait une tendance aux lieux communs oratoires ; la rhétorique l’avait gagné, lui aussi. Cette association contre nature a cessé et l’on peut dire à la louange des professeurs de nos facultés des sciences qu’ils ont complètement abandonné ces dangereux erremens. Quoi qu’il en soit, et pour en revenir au point de départ de cette digression, la durée des cours et le nombre des leçons n’est plus en rapport avec les exigences de notre enseignement supérieur. Et ce n’est certes pas une des causes les moins actives de la pauvreté de nos auditoires de facultés que cette dérogation aux anciens usages. On se plaint justement de l’indifférence et de la rareté des étudians. Que penser du zèle de maîtres qui sont payés à raison de 8 et 10,000 francs et qui se croient quittes envers l’état lorsqu’ils ont fait trente-cinq ou quarante heures de leçons par an ?

On objecte, il est vrai, que nos professeurs, à la différence de ceux des universités allemandes, sont accablés d’examens[1] qui leur prennent une bonne part de leur temps et de leurs forces, et que leurs leçons exigent une préparation beaucoup plus longue. Ces objections ne sont pas sans valeur et nous les avons trouvées présentées avec beaucoup de force et de verve par M. Lavisse dans le volume d’études récemment publié par la Société de l’enseignement supérieur[2]. En supposant que l’on parvînt à créer pour nos

  1. Cette question des examens est une de celles qui s’imposeront à l’attention du futur conseil de l’Université. Elle est trop importante et trop délicate pour qu’on l’aborde incidemment. Tout ce qu’on en veut dire, c’est qu’il serait à souhaiter que nos professeurs de facultés fussent déchargés de cette ingrate besogne, à Paris surtout et dans les deux ou trois villes de province où elle est véritablement insupportable. On pourrait tout au moins leur enlever le baccalauréat et ne leur laisser que la licence et le doctorat. On a jusqu’ici reculé devant cette réforme à cause de la difficulté de constituer des jurys d’une compétence et d’une autorité assez incontestées. C’est une difficulté sans doute, mais ce n’est assurément pas une impossibilité, témoin les commissions d’examen pour Saint-Cyr et l’École polytechnique.
  2. Société pour l’étude des questions d’enseignement supérieur. (Études pour l’année 1878. Universités de Bonn, Gœttingue, Heidelberg. Universités autrichiennes, belges et hollandaises ; universités d’Oxford et de Cambridge ; enseignement supérieur en France ; Paris, 45, rue des Saints-Pères.) Fondée l’an dernier seulement, cette société compte déjà de nombreux adhérons parmi les membres de l’Institut et du corps enseignant ; un certain nombre de notabilités de la politique et de la littérature ont également tenu à honneur d’en faire partie.