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ressemblent en rien à ceux de nos professeurs. D’abord, ils ne durent que trois quarts d’heure, ensuite, ils consistent en lectures qui n’exigent aucun effort d’improvisation. Chaque professeur a ses cahiers qu’il récite ou qu’il lit, sans se mettre autrement en frais d’éloquence. On comprend qu’un même maître puisse ainsi faire jusqu’à cinq leçons par semaine ; une fois son cours écrit, il n’a plus qu’à le tenir au courant de la science. Or combien cette tâche n’est-elle pas plus aisée que la création annuelle d’un cours ? La remarque est des plus justes, mais nous ne croyons pas qu’elle enlève à mes critiques quoi que ce soit de leur valeur. Il ne s’agit pas, en effet, d’exiger de nos professeurs de facultés quatre et cinq heures de leçons par semaine. On voudrait simplement les rappeler à l’observation de la vieille règle des trois leçons ou conférences et surtout à celle des cours annuels. On voudrait réveiller chez certains d’entre eux un sentiment qui s’est malheureusement affaibli dans l’Université depuis une vingtaine d’années ; nous voulons parler du sentiment du devoir professionnel et de la solidarité qui devrait exister entre le maître et l’élève. Nos professeurs ne sont pas assez pédagogues au sens élevé du mot. Ils se considèrent le plus souvent comme de simples fonctionnaires tenus à tant d’heures de cours ou de classes par semaine, et bornent là toute leur tâche. Ils ne cherchent pas assez à nouer avec leur auditoire ou leurs élèves ces relations intimes qui sont dans les traditions des universités allemandes et sans lesquelles il n’y a pas d’enseignement vraiment fécond. Ce n’est pas ainsi qu’en usent les établissemens rivaux de l’Université ; si l’enseignement proprement dit n’y a pas toujours la même solidité que chez nous, l’action du maître, son influence, j’allais dire son empreinte, s’y font bien autrement sentir et y laissent de plus durables traces. C’est pourquoi tant de pères de famille hésitent aujourd’hui à mettre leurs enfans au collège, et c’est pourquoi, si l’on n’y prend garde, les universités catholiques finiront par enlever à nos facultés une notable partie de leur population. On l’a chercher bien loin les raisons de la prospérité des établissemens dirigés par les jésuites. Si l’on voulait être sincère, on reconnaîtrait qu’ils justifient la faveur des familles par le soin qu’ils mettent à s’emparer de la confiance des jeunes gens, à stimuler leur zèle, à les encourager, en un mot à les diriger, en même temps qu’ils les instruisent. L’Université trouverait de ce côté plus d’un bon exemple à suivre. Malheureusement l’administration n’ai rien à voir en pareille matière ; c’est affaire au corps enseignant lui-même, ce serait à lui de rompre avec des habitudes invétérées qui le font accuser d’insouciance.

Il en irait tout autrement de certaines innovations qui sont