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tributs arriérés, les Athéniens les tenaient à l’écart des opulentes cités qu’Athènes avait prises sous sa protection; le moment était venu de tenter quelque chose pour se soustraire à un joug aussi humiliant que ruineux. Par elle-même, la Perse, malgré l’importance que conservait encore la marine phénicienne, pe pouvait rien ; les victoires de Cimon avaient trop bien assuré l’ascendant d’Athènes. Mais tout le Péloponèse était en armes et tout le Péloponèse, à cette heure, construisait des vaisseaux ; Sparte allait bientôt avoir à ses ordres cent navires de guerre. Sauvée par Sparte, Syracuse, à son tour, lui envoyait sa flotte pour achever l’anéantissement de l’ennemi commun. La Perse et le Péloponèse pouvaient donc à merveille se compléter, le Péloponèse en fournissant des vaisseaux, la Perse en fournissant des subsides. C’était là ce qu’avait pressenti avec la perspicacité de sa haine le dangereux transfuge accueilli par Lacédémone.

Deux des satrapes de Darius étaient particulièrement intéressés à se procurer le concours de la flotte lacédémonienne : le satrape qui gouvernait l’Ionie et celui qui commandait sur les bords de l’Hellespont, — Tissapherne et Pharnabaze. — Tissapherne reçut le premier la visite d’Alcibiade. Le perfide savait bien où devaient porter ses coups pour atteindre sa patrie au cœur. Il fallait d’abord lui enlever les îles qui bordent la côte Ionienne ; on s’attaquerait ensuite à Byzance et aux villes de la Chersonèse. Avec Alcibiade s’était embarqué dans le golfe d’Égine un délégué de Sparte, Chalcidéus; un traité fut bientôt conclu. S’il ne l’eût été par Tissapherne, il l’aurait été par Pharnabaze, car les deux satrapes se disputaient l’honneur et l’avantage de prendre des Grecs à leur solde. Tissapherne promit de payer 90 centimes par homme et par jour. Alcibiade et Chalcidéus se mirent sur-le-champ à l’œuvre pour soulever Chio et pour insurger Milet.

L’empereur Napoléon, revenu de Russie, eut encore la puissance de faire sortir pour ainsi dire de terre une armée de six cent mille hommes. Athènes ne mit pas moins d’activité à réparer ses pertes. Une nouvelle flotte ne tarda pas à descendre des chantiers du Pirée. Les géans ne tombent pas sous une seule blessure. Il fallut deux ans à l’Europe pour terrasser Napoléon Ier ; Athènes, pendant huit années, tint le Péloponèse et la Perse en échec. Elle avait trouvé dans les eaux Ioniennes une inappréciable alliée. Haine invétérée de Sparte, amour farouche de la démocratie, tout se rencontrait à Samos pour faire de cette île si riche en guerriers et en ports l’avant-garde d’Athènes, la surveillante jalouse des cités infidèles. Ce fut de Samos que partirent à bord de cinquante-deux vaisseaux, pour aller débarquer sur le territoire milésien, mille hoplites d’Athènes, quinze cents d’Argos, mille autres fournis par les villes tributaires.