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leur manière de combattre dans un pays coupé, boisé, sans routes, où les colonnes régulières avaient la plus grande difficulté à se mouvoir, et comment, avertis de tous les mouvemens de l’ennemi, cachés derrière leurs haies, fusillant les soldats à bout portant, fuyant à travers champs quand ils se sentaient les plus faibles, ils infligèrent d’abord aux armées de la république de sanglans échecs.

Lorsque Kléber arriva en Vendée avec l’armée de Mayence, le général républicain Canclaux venait de remporter une victoire signalée (29 juin 1793) qui avait sauvé la ville de Nantes. Cette armée, sous les ordres d’Aubert-Dubayet et dont Kléber commandait une brigade, prit part aux opérations qui, sous la direction de Rossignol et de Canclaux, avaient pour objet, après avoir dégagé Nantes, de marcher sur La Rochelle. Nous ne raconterons pas ici cette guerre de surprises et de combats incessans dans laquelle Kléber se montra aussi humain qu’héroïque. En voyant les villages incendiés, les troupeaux errant au hasard abandonnés à eux-mêmes, il ne pouvait s’empêcher de plaindre, suivant ses expressions, « le sort de ces infortunés habitans qui, égarés et fanatisés par leurs prêtres, repoussaient les bienfaits d’un nouvel ordre de choses pour courir à une destruction certaine. »

Attaqué à Torfou par une armée dix fois plus nombreuse, blessé d’une balle à l’épaule, obligé de se replier, il ne pense qu’à prendre sa revanche :


« J’ai été très sensible, écrit-il au généra ! Beysser, à l’intérêt que vous avez bien voulu prendre à mon malheur ; ma blessure est sans danger. Si j’avais été victorieux, je serais resté quelques jours pour la soigner ; j’ai été battu, je m’empresse à rechercher ma revanche. Vous m’aiderez à l’obtenir. Par mon rapport vous verrez que Torfou et toutes les hauteurs étaient à moi, malgré l’opiniâtreté que l’ennemi mit à les soutenir, et c’est seulement par suite d’une terreur panique que j’ai perdu tous ces avantages. Du triomphe à la chute, il n’y a souvent qu’un pas. »


Kléber prit en effet sa revanche à Montaigu, où il battit l’armée royaliste forte de trente-deux mille hommes, et, avec une modestie dont il ne se départit jamais, il en fait remonter tout l’honneur à Canclaux : « Le succès de la reconnaissance poussée jusqu’à Tiffanges sur la Sèvre, d’où les royalistes furent obligés de se retirer précipitamment au delà de Saint-Fulgent, fut, dit-il, dû aux sages dispositions de Canclaux. Sa bravoure, sa prudence, ont dirigé les opérations ; je n’ai eu d’autre mérite que de les avoir exécutées. »

Canclaux fut néanmoins rappelé par le comité de salut public et le commandement en chef donné à Rossignol, ancien ouvrier orfèvre, aussi incapable que cruel, et soutenu par la faction terroriste.