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de la Bourse pourraient multiplier les demandes de remboursement et faire échouer la mesure, ce qui, je le répète, a failli arriver lors de la conversion de 1852. Mais aujourd’hui on a beaucoup plus de marge qu’à cette époque, les cours sont beaucoup plus élevés; supposons que ceux du 3 pour 100 amortissable se maintiennent aux environs de 81 francs et qu’on offre 4 pour 100 en cette valeur contre l’ancien 5 pour 100 ; 4 francs de rente en 3 pour 100 amortissable vaudraient immédiatement 108 francs comme capital; or personne ne s’aviserait de demander le remboursement de 100 francs, lorsqu’il pourrait recevoir un litre valant 8 francs de plus, indépendamment de la prime de remboursement. En 1852, pour faire réussir la conversion, tentée un peu prématurément, on a eu recours à la Banque de France, qui a prêté environ 100 millions. Grâce à cette assistance, la mesure a réussi, et les oscillations du crédit n’ont guère dépassé 2 pour 100. Cette intervention de la Banque, en 1852, a pu être critiquée, parce qu’elle tendaità fausser les cours et à leur donner une élévation factice. Une conversion n’est légitime et équitable que lorsqu’elle résulte bien de l’état du marché et qu’on pourrait se procurer aisément à des conditions meilleures les fonds nécessaires au remboursement. Alors, eu offrant ce remboursement, on fait une proposition sérieuse d’où découle naturellement la conversion. Qui pourrait critiquer aujourd’hui l’intervention de la Banque de France pour soutenir une mesure de ce genre, alors que le 5 pour 100 est à 115 et que le crédit de l’état, calculé sur le 3 pour 100, est à moins de 4? elle serait parfaitement justifiée et elle n’aurait qu’un but : prévenir la panique et empêcher toutes les manœuvres que pourrait tenter la spéculation en sens contraire de la mesure proposée. Si une assistance de 100 millions a suffi en 1852, aujourd’hui la Banque, après l’épreuve qu’elle a faite de son crédit, mettrait aisément à la disposition de l’état une somme infiniment plus forte : supposons qu’elle offre 500 millions. On ne peut pas douter qu’avec une pareille assistance la conversion ne réussisse parfaitement. Il suffirait de le vouloir pour qu’elle fût opérée sans difficulté et sans trouble et que le lendemain on vît le crédit de l’état reprendre son essor.

Sans doute, il sera douloureux d’imposer aux porteurs du 5 pour 100 une perte d’intérêt d’environ 1 pour 100. Mais qu’y faire? Faut-il, pour leur être agréable, sacrifier les intérêts de l’état, celui des contribuables et l’avenir du crédit? Ils ne peuvent pas contester que le crédit du gouvernement ne soit aujourd’hui au-dessus de 4 pour 100. De quel droit alors leur servirait-on un intérêt de 5? Il faut bien qu’ils se résignent à la réduction qui est dans la