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par une superficie plus grande de terres argileuses propres à la culture. On aperçoit çà et là, dans les ravins que les torrens modernes ont affouillés, des berges verticales de 10 à 15 mètres creusées de haut en bas dans un véritable limon. Aussi les eaux courantes se chargent-elles de boue au moindre orage qui en grossit le débit. À surface égaie, le Tell et les plateaux ont une valeur agronomique supérieure à celle de la Provence ou du Languedoc.

Lorsqu’il s’agit de culture, la nature du sol n’est pas seule à considérer; il faut aussi tenir compte du climat. Le littoral de la Méditerranée ne laisse sous ce rapport rien à désirer. Sur une largeur trop restreinte par malheur, le voisinage de la mer entretient, avec une humidité suffisante, une température d’une uniformité remarquable. Sans froid l’hiver, sans excès de chaleur l’été, à peine le thermomètre varie-t-il du jour à la nuit. C’est tout au long de la côte une véritable serre tempérée, où, malgré la rareté des pluies, tous les végétaux connus se plaisent et grandissent. L’homme s’en trouve moins bien; personne n’ignore que les variations thermométriques, pourvu qu’elles ne soient ni soudaines ni excessives, entretiennent sa vigueur.

A. mesure que l’on s’éloigne du littoral, l’atmosphère devient plus sèche, la chaleur s’accroît; une évaporation d’une intensité prodigieuse par ce soleil ardent enlève au sol le peu d’humidité que les pluies d’hiver lui ont livrée. Les terres les plus fertiles sont rendues stériles par le manque d’eau. On essaie d’y remédier par des barrages et des irrigations artificielles; mais les rivières elles-mêmes se dessèchent sous cette atmosphère embrasée; les sources tarissent, la vie semble fuir ou ne persiste au milieu de l’été que dans une végétation misérable. L’absence de forêts contribue encore à rendre l’évaporation plus active. Il y en a peut-être eu jadis; une exploitation abusive a fait périr les grands arbres; bien que les tentatives de reboisement n’aient pas eu grand succès jusqu’à ce jour, il n’y a pas lieu d’en désespérer. S’élève-t-on sur le versant septentrional des montagnes, les pluies redeviennent plus fréquentes vers 1,000 mètres d’altitude. Des forêts apparaissent, surtout dans les vallons resserrés où les troupeaux n’ont pas l’habitude de paître; les eaux vives sortent fraîches et limpides des plis du terrain. Plus haut encore, sur les hauts plateaux du sommet, on va trouver un climat variable, des étés très chauds suivis d’hivers rigoureux. Aussi la végétation, loin d’être semblable à celle du littoral, se rapproche-t-elle de celle de l’Europe. La terre végétale y est encore abondante comme sur les terrasses moins élevées; les récoltes dépendent du plus ou moins d’eau qu’elles reçoivent, et là aussi la sécheresse est le fléau dominant. Enfin, en redescendant le versant méridional des montagnes, on. va rejoindre soit brusquement, soit par des pentes